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personnage politique, avait une vocation parlementaire si marquée, que ne quittait-il d’abord l’école, dont la direction nécessite une application de tous les instans? Quelle est aujourd’hui sa position? quelle autorité peut-il avoir pour recommander à des jeunes gens qui seront demain des officiers de ne pas s’occuper de politique, de ne point aller aux messes royalistes ou aux banquets radicaux? Franchement tout cela est du désordre. Que des chefs militaires vieillis dans l’armée entrent dans une assemblée, rien de mieux, ils sont une lumière et un conseil. Des officiers en activité doivent rester à leur service, ou ils n’ont qu’à donner leur démission, et M. le ministre de la guerre serait dans son rôle en rappelant ce devoir à ceux qui seraient tentés de l’oublier.

Oh ! assurément, à l’heure où nous sommes, il y aurait beaucoup à faire pour revenir à de plus saines traditions, et M. le comte d’Haussonville, dans la brochure qu’il vient de publier sous le titre d’un Programme de gouvernement, peut justement poser cette question : « Où sommes-nous et qu’y aurait-il à faire? » M. d’Haussonville, dans ces pages instructives, énumère avec autant de droiture que de netteté toutes les déviations qui se sont accomplies depuis quelque temps dans la politique extérieure, dans la politique intérieure, dans les finances, et il en conclut naturellement qu’il faudrait s’arrêter, qu’il faudrait revenir au patriotique programme des premières années qui ont suivi les désastres de la France. C’est une œuvre laborieuse, difficile sans doute, digne cependant de tenter tous les esprits libéraux et modérés dévoués à leur pays sous la république comme sous tout autre régime.


Les affaires de l’Europe, de leur côté, ne sont certes pas à l’abri des accidens. Ce que l’année nouvelle réserve de surprises à l’Orient comme à l’Occident, on ne le sait pas, et ce qu’il y a de plus simple, de plus pratique pour la diplomatie, c’est de tâcher de faire face aux incidens à mesure qu’ils surgissent, ou de les prévenir quand c’est encore possible. L’Angleterre et la France auront elles réussi à prévenir des complications par l’acte significatif qu’elles viennent d’accomplir d’un commun accord à Alexandrie ? Ce qui est certain, c’est que l’Egypte est pour le moment un des points de l’Orient où les surprises sont redevenues possibles, et que les deux puissances engagées par des intérêts égaux, par le contrôle qu’elles exercent en commun, ont voulu prendre leurs précautions à temps et à propos contre l’imprévu.

Voici déjà quelque temps, à vrai dire, que ces affaires égyptiennes menacent de devenir une difficulté des plus graves. Elles sont entrées dans une phase aussi confuse que périlleuse par cette insurrection militaire qui s’est reproduite à plusieurs reprises et qui, en fin de compte, il y a quelques mois, s’est imposée au pouvoir affaibli du nouveau khédive, Tewfik-Pacha. Quelques colonels, dont le principal, Arabi-Bey, est un aventurier aussi résolu qu’ambitieux, ont réussi à