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M. Weiss, que la guerre a commencé, pour s’envenimer et se compliquer de jour en jour. Après tout cependant ce n’est qu’un incident qui n’a pas mis la paix publique en péril! Sauf cela, est-ce que la plupart des républicains qui se montrent si animés aujourd’hui contre le ministère n’ont pas leur responsabilité dans la politique, même dans quelques-uns des actes de M. le président du conseil? Est-ce qu’ils n’ont pas été les premiers à pousser M. Gambetta au pouvoir, à le représenter comme le ministre nécessaire, presque providentiel de la république? Ils l’ont encouragé et suivi jusque dans ses entraînemens et dans ses fautes. Ils ont maintenant l’air de se plaindre d’une révision constitutionnelle qui aurait pu être évitée, qu’ils commencent à juger inutile ou prématurée; ils oublient seulement que cette révision, ils l’ont acceptée, ils l’ont inscrite dans leurs programmes électoraux, comme s’ils l’approuvaient; et ils ont sanctionné depuis par leurs votes les déclarations ministérielles qui leur promettaient la réforme du sénat. Ils semblent tout surpris que le chef du cabinet se montre résolu à faire passer le scrutin de liste dans la constitution réformée; mais qui donc a pu se méprendre un seul instant et ne pas voir que c’était là le principal, sinon l’unique objet de M. le président du conseil? Il y a deux mois que, sans rien savoir, nous avons dit nous-même que M. Gambetta donnerait probablement tout le reste de la révision pour le scrutin de liste, et il est au moins étrange que des hommes de parlement aient l’air de ne pas se douter de ce qu’ils font, qu’ils paraissent s’ébahir d’une proposition à laquelle ils devaient être préparés. S’ils désapprouvaient cette politique de la révision et du scrutin de liste, qui est assurément plus grave par sa portée et par ses conséquences que la nomination de M. de Miribel, ils n’avaient qu’à le déclarer nettement d’avance; ils n’avaient qu’à unir leurs efforts à ceux des libéraux, des modérés républicains qui ont refusé de s’engager, qui ont protesté dès le premier jour par leurs réserves. S’ils avaient agi ainsi en hommes sérieux, ils auraient, selon toute apparence, découragé le gouvernement; ils l’auraient vraisemblablement arrêté dans la voie scabreuse où il allait s’aventurer.

Les républicains qui gémissent aujourd’hui et récriminent contre le chef du cabinet n’en ont rien fait. Ils ont accepté d’être les complices d’une politique certes peu rassurante. Ils ont laissé se préparer sous leurs yeux des réformes constitutionnelles que le gouvernement a l’intention de limiter, nous le voulons bien, mais qui, en définitive, peuvent dépasser toutes les prévisions, le jour où un congrès souverain se trouvera réuni. Ils ont tout laissé faire de peur de paraître résister à un prétendu progrès démocratique, et la conséquence, la voilà : c’est une situation extrême où tout est poussé à bout, où il faut absolument que quelqu’un se soumette ou se démette encore une fois. Au point où en sont les choses, l’alternative est aussi nette qu’inquiétante.