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REVUE LITTERAIRE

LIEU-COMMUN SUR L’INVENTION

Il y a des querelles, soi-disant littéraires, où toute la question, de quelque belles phrases qu’on l’habille, n’est manifestement que d’une vanité blessée, quand encore elle n’est pas, purement et simplement, d’un intérêt lésé. Mais il y en a quelques-unes aussi, par bonheur, de loin en loin, qui enveloppent une question de principe; et si tel n’est pas tout à fait, tel devrait être au moins le cas de la récente querelle de l’auteur de la Fiammina contre l’auteur d’Odette.

Les faits sont assez connus. Il y a six semaines, sur la scène du Vaudeville, M. Victorien Sardou donnait une pièce, qui réussissait : M. Mario Uchard prétendait y reconnaître son bien, et, par-devant l’opinion, réclamait sa part du succès. Voilà tout le débat. On regrettera vivement que M. Mario Uchard l’ait cru devoir porter, si ce qu’on dit est vrai, devant les tribunaux, qui, dans l’espèce, n’ayant rien à voir, n’auront aussi rien à trancher. Trois magistrats en robe, s’ils sont hommes d’esprit, allégueront leur incompétence, et ne retiendront de la cause que ce qui leur en appartient, comme à tout le monde, quand ils ont une fois déposé la robe et qu’ils ne jugent plus à titre de magistrats. Mais ce qu’on regrettera plus vivement encore, c’est que M. Victorien Sardou n’ait pas pris plus hardiment lui-même en main sa propre cause. Car il avait une belle occasion d’en finir avec cette puérile et vaine accusation de plagiat, que les ennemis de sa manière (ou peut-être aussi de la continuité de ses succès, depuis tantôt vingt ans, ne manquent pas de renouveler à l’apparition de chacune de ses pièces. Et ne valait-il pas bien la peine