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Cette alliance étroite se traduit longtemps encore dans les deux arts par un choix fréquent des mêmes sujets et par une entière similitude dans la façon de les traiter. C’est ainsi qu’un bas-relief représentant l’Annonciation reproduit exactement la disposition d’une Annonciation peinte par Sandre Botticelli. Mais ce n’est pas seulement dans l’art qu’apparaissent ces similitudes : on croirait, à certains momens, que la nature, en donnant l’exemple, se répète et se copie dans ces visages humains qui affectent à une même époque des traits pareils et offrent visiblement entre eux un air de famille. Un buste de Marietta di Lorenzo nous donnerait à le penser, et, bien des fois déjà, dans des collections privées, au Louvre et en Italie, nous avons rencontré ce type de jeunes filles aux longs traits, aux yeux pudiquement baissés. Leur maintien est grave, et leur expression un peu triste, assez impénétrable, ne nous renseigne guère sur leur caractère. Ne cherchons pas trop ce qu’ont été leurs vies : les chroniques d’alors nous apprendraient, parfois assez crûment, quelles mœurs se cachaient derrière cette apparente réserve.

De Jacopo della Quercia le musée de Berlin possède deux sculptures en bois (no 1071, 1072) : Marie et l’Ange Gabriel, des figures sveltes, pleines de grâce et de douceur, d’une exécution très large, également remarquable par la grandeur et la naïveté. Michel-Ange lui-même est ici représenté par un Saint Jean, qu’il exécuta pour Lorenzo di Pier Francesco de Medicis. Le jeune solitaire s’apprête à boire dans une corne de chèvre le miel qu’il vient d’exprimer d’un rayon; sa bouche, entr’ouverte, grimace d’une manière assez disgracieuse et l’expression de son visage paraît d’un réalisme un peu puéril. Mais la souplesse et les heureuses proportions de ce jeune corps sont très finement rendues ; c’est là une de ces études scrupuleuses par lesquelles les maîtres achètent la liberté et l’aisance dont plus tard ils feront preuve.

Quant aux œuvres de la statuaire moderne qui sont ici en très petit nombre, nous nous contenterons de mentionner une petite réduction en bronze de la Statue équestre du grand électeur, par Schlüter, un des rares sculpteurs de talent que l’Allemagne ait produits avant Rauch; et le meilleur ouvrage de Pigalle, le Mercure attachant ses talonnières, marbre donné par Louis XV à Frédéric II, et dont nous avons au Louvre une réduction et aussi un moulage en plomb qui a longtemps orné le jardin du Luxembourg, où il s’est fort détérioré. Mais le principal intérêt qu’offre la sculpture au musée de Berlin réside surtout, nous le verrons, dans les ouvrages antiques dont les fouilles d’Olympie et de Pergame ont amené la découverte et qui sont venus renouveler de la manière la plus imprévue les études sur l’art grec.


EMILE MICHEL.