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promoteurs de la conférence, et une fois monnayé, où l’aurait-on mis en circulation? Un peu partout sans doute, mais particulièrement en France où il y a le plus d’or à donner en échange ; c’est un point que nous réservons pour plus tard.

Quoi qu’il en soit, la conférence se réunit et on en décerna tout naturellement la présidence à notre ministre des finances. Il avait bien mérité cet honneur, car dès son discours d’installation il ne craignit pas de se prononcer d’une façon très nette en faveur du bimétallisme. « Pour que le métal argent, dit-il, reprenne son ancienne valeur, il est indispensable qu’il soit comme par le passé librement monnayé à côté de l’or ; » et il ajoutait un peu plus loin : « Nous espérons après les discussions qui auront lieu dans cette assemblée qu’il sera démontré, par les données de la théorie et par celles de l’expérience, que le bimétallisme international est le seul système qui puisse ramener la régularité monétaire dans toutes les parties du monde. » Il est vrai de dire que cette espérance n’était pas tout à fait partagée par son collègue l’honorable M. Barthélémy Saint-Hilaire qui, en sa qualité de ministre des affaires étrangères, avait ouvert la conférence. Il s’était montré beaucoup plus réservé, se souvenant des opinions qu’il avait autrefois défendues lors de la grande enquête de 1869, et il y était resté fidèle. Du reste, ceux des autres membres qui avaient apporté des illusions au sein de cette conférence n’ont pas dû les garder bien longtemps, car, dès la seconde séance, les délégués allemands firent une déclaration qui était de nature à les dissiper. «Nous reconnaissons, dit M. le baron de Thielmann, qu’une réhabilitation de l’argent est à désirer, et qu’on pourrait, par le rétablissement du libre monnayage de l’argent dans un certain nombre des états les plus populeux représentés à la conférence, arriver à ce résultat. Néanmoins, l’Allemagne, dont la réforme monétaire se trouve déjà si avancée, et que la situation générale ne semble pas inviter à un changement de système d’une aussi grande portée, ne se voit pas à même de concéder, pour ce qui la concerne, le libre monnayage de l’argent. » De son côté, le délégué anglais, après avoir exprimé des vœux en faveur de la réhabilitation de l’argent, dont la dépréciation causait un grand dommage dans l’empire des Indes, crut devoir ajouter « que, nonobstant le royaume-uni ne changerait rien à son système monétaire et garderait résolument l’étalon d’or. » — Depuis plus de soixante ans, ajoutait ce délégué, que le système monétaire du royaume-uni a reposé sur l’or comme étalon unique, « ce système a satisfait à tous les besoins du pays sans donner lieu aux inconvéniens qui se sont manifestés ailleurs et dans d’autres pays. Il a par ces raisons mêmes été accepté par tous les partis et par la nation ; le gouvernement de Sa Majesté ne pourrait donc pas entrer en conférence