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ayant rassemblé une force imposante, on n’hésite plus à livrer combat. Surpris par l’attaque, les défenseurs afin de s’organiser se rejettent hors de la portée des balles. La manœuvre est découverte; les troupes anglaises pénètrent dans la place avant que les assiégés aient pu faire un retour offensif. Heki se retire à distance, et l’on ne s’avise point de le poursuivre. C’était néanmoins la fin de la guerre. La paix fut conclue d’une façon satisfaisante pour les deux partis. Après avoir si vaillamment combattu des troupes régulières disposant de toutes les ressources des armées européennes, le héros maori, qui ne souilla ses victoires par aucun acte de cruauté, qui dans l’enivrement de ses succès eut des élans de générosité, vécut paisible au milieu de ses compagnons d’armes. Languissant à la suite d’un coup violent que lui avait porté une de ses femmes, Heki mourut en 1850, à peine âgé d’une quarantaine d’années, laissant un nom glorieux parmi les Néo-Zélandais. Trois années plus tard s’éteignait, déjà vieux, son brave lieutenant Kawiti.

Si, par des concessions, le capitaine Fizroy a obtenu l’alliance de tribus indigènes et ainsi peut-être empêché la guerre de s’étendre dans des proportions formidables, il y a un résultat terrible pour la colonie. Pour remplacer l’énorme revenu de la douane, on s’est vu contraint de frapper d’un impôt la propriété, de mettre des taxes sur une infinité d’objets. C’est alors une désolation générale. On crie à la ruine; des colons abandonnent leurs champs, l’immigration s’arrête, les caisses publiques restent vides ; ne recevant plus leurs appointemens, les fonctionnaires, les agens de tout grade désertent; les agriculteurs laissés sans défense, se disent exposés au pillage et à des vexations sans fin de la part des indigènes. Dans l’espoir de conjurer le mal, M. Fizroy invente un papier-monnaie; c’est l’aggravation du désastre. Le papier est aussitôt déprécié, toutes les transactions sont entravées. Les colons des parages du détroit de Cook, indignés contre la politique inspirée par les missionnaires, qui les sacrifient, prétendent-ils, aux Maoris, adressent sous forme de pétition une longue plainte au parlement britannique. Les événemens de la Nouvelle-Zélande ont causé une vive émotion en Angleterre; au sein de la chambre des communes, plusieurs séances se passent en discussions touchant les mesures qu’il convient de prendre. — Le capitaine Fizroy est rappelé[1].

Vers la fin de 1845, sir George Grey, alors en Australie, reçoit l’ordre de prendre la direction des affaires de la Nouvelle-Zélande. Il débarque à Auckland pendant la guerre que soutiennent les indigènes contre les troupes royales. Tout de suite, il restaure la douane

  1. 18 novembre 1845.