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leur nationalité ; il y en avait trois modèles. Le drapeau adopté, le vaisseau de la marine royale le salua de vingt et un coups de canon. On a compris que le gouvernement de l’Angleterre se réservait d’exercer à son gré un protectorat. Vers la même époque, un second résident britannique était installé à Hokianga.


II.

Le moment est venu de faire connaître un personnage étrange que les navigateurs ont signalé, le baron Charles de Thierry, qui durant de longues années causa grand émoi à la Nouvelle-Zélande. Souvent il donna de l’inquiétude à l’administration de la Nouvelle-Galles du Sud et même certaines préoccupations aux pouvoirs publics de la Grande-Bretagne. Les historiens anglais, sans ménager les épithètes, le traitent d’aventurier, comme s’il avait plus de droits à ce titre que nombre des sujets du roi Guillaume IV ou de la reine Victoria qui vinrent accaparer les terres des Maoris. Charles de Thierry, fils d’un émigré français, était né à Londres en 1793[1]. Il reçut une instruction satisfaisante ; jeune, il épousa la fille d’un ministre de l’église anglicane[2]. On le voit en 1815, attaché comme secrétaire à la personne d’un membre du congrès de Vienne, peu après, officier dans un régiment de cavalerie de l’armée britannique, en 1816, attaché à l’ambassade de France à Londres; en 1819, on le trouve plongé dans les études de théologie à Oxford, et de 1820 à 1821, dans celles du droit à Cambridge. Il fit la rencontre du pasteur Kendall venu en Angleterre accompagné des chefs zélandais, Hongi et Waïkato. Les entretiens du baron de Thierry et du missionnaire roulèrent tout particulièrement sur la Nouvelle-Zélande. M. Kendall, établi à la baie des Iles, avait reçu à titre gracieux des chefs d’un district de la Hokianga, un domaine, sous la promesse qu’il viendrait habiter parmi eux, affirment des narrateurs anglais[3]. Le missionnaire transféra son titre de propriété à M. de Thierry moyennant une certaine quantité d’objets recherchés des naturels : — on a dit trente-six haches; le baron a parlé d’une somme de 20,000 francs. Le révérend Williams a déclaré que la cession s’était faite avec les formalités mises en usage, lorsque les missionnaires acquirent des terres à la baie des Iles ; seulement, il regardait comme indispensable aux nouveaux propriétaires l’occupation permanente. Par l’entremise d’un capitaine baleinier, M. de Thierry aurait encore obtenu des sauvages une belle surface de terrain. Si l’on s’en rapporte à ses assertions,

  1. Des écrivains anglais le disent Français, d’autres le déclarent sujet britannique portant un nom français.
  2. L’Archdeacon Rudge.
  3. Dunmore Lang et d’autres.