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LES
DERNIERS PROGRÈS
DU
DROIT INTERNATIONAL

Il y a, comme en témoigne la correspondance récente encore de M. de Moltke et du professeur Bluntschli, des hommes d’état et des chefs militaires qui nient, ou peu s’en faut, le droit international lui-même, à plus forte raison les progrès du droit international. L’argument est simple : les querelles des peuples se vident par la guerre; donc, après la défaite de l’un et la victoire de l’autre, le droit lui-même est à la discrétion du plus fort. Or, suivant une maxime du président Garfield, « une loi manquant de sanction n’est pas une loi. » Où le progrès reste à la merci d’un coup d’épée, il n’y a pas de progrès.

Les progrès du droit international, à coup sûr, sont plus lents et moins facilement saisissables que ceux de la loi civile ou de la loi criminelle. Que la torture ou la confiscation vienne à disparaître d’un code européen, le progrès est précis, indiscutable; il passe du jour au lendemain à l’état de fait acquis. Il n’en est pas de même dans la sphère du droit international. D’abord il n’y a pas au milieu des peuples un pouvoir central organisé qui puisse se faire obéir. Ensuite, quand le perfectionnement de la civilisation semble imposer certaines réformes, que les efforts patiens de certains hommes d’état sont sur le point de les faire prévaloir, et que déjà l’adhésion de plusieurs grandes puissances les a consacrées, la brusque intervention de la force peut tout déranger. Si tout n’est pas à recommencer, il se peut du moins qu’un brutal abus de la victoire