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disait-elle, par sa félonie, et l’électeur de Bavière en lui offrant la Toscane ou le Milanais ; elle menaçait de se jeter dans les bras de la France eu cédant à Louis XV une partie des Flandres. Bref, de haute lutte et de guerre lasse, on l’amena aux concessions suivantes : deux millions d’écus seraient payés au roi de Prusse pour obtenir l’évacuation totale du territoire autrichien et aucune réclamation ne lui serait faite pour les dommages soufferts par les sujets d’Autriche. En échange de sa renonciation à ses prétendus droits sur la Silésie, la reine lui offrait un équivalent dans les Pays-Bas, le duché de Gueldre, par exemple, et même, s’il le fallait, le Limbourg. Enfin, si ces conditions étaient refusées, à la dernière extrémité, le ministre anglais était autorisé, non à promettre, mais à laisser espérer la cession du duché de Glogau en Silésie. Encore, quand il s’agit de mettre les termes de ces propositions par écrit, la princesse ne pouvait-elle se décider à les signer. Ce mot était trop fort, cette concession trop étendue, cette promesse trop formelle, et le papier, chargé de raturas tracées d’une main nerveuse, dut retourner plusieurs fois à la chancellerie pour être transcrit de nouveau.

Enfin, comme Robinson, en prenant congé, témoignait quelque doute sur le succès de sa mission : « J’espère bien, dit-elle, que vous ne réussirez pas. J’apprécie vos bonnes intentions, mais j’ai pitié de ce qui vous attend. Votre mission en Silésie sera aussi vaine que celle du comte Gotter à Vienne. » Puis au moment où il sortait, elle le rappela : « Tâchez au moins de sauver le Limbourg: je ne sais si j’ai le droit de le céder. J’ai promis aux états de Brabant de ne rien détacher de leur territoire. »

A peine l’envoyé était-il parti que, se préparant d’avance au refus qu’elle espérait, elle faisait sonder l’électrice de Bavière, sa cousine, par l’intermédiaire de leur aïeule commune, l’impératrice douairière Amélie, pour savoir si, moyennant des avantages tout pareils à ceux qu’elle offrait à Frédéric, on ne pourrait pas amener l’électeur à se désister de ses prétentions. « Je trompe mes ministres, écrivait-elle dans un billet confidentiel à l’un de ses conseillers, le comte Kinski (le seul qui, avec Bartenstein, eût osé prendre la parole dans le même sens qu’elle) et je vous fais dépositaire de mes sentimens véritables. On va lire les points donnés par Robinson. Comme celui-ci s’est même fait entendre jusqu’à des menaces, il est nécessaire de tâcher d’avoir recours à la porte ouverte par là et de le ménager... Ma ferme résolution est de ne jamais céder quelque chose de la Silésie, encore moins toute la basse... Je laisserai un peu marchander et qu’on sonde sur cela Robinson. Toute mon idée est cela. Dieu me garde que je penserais de le faire,.. bien loin! On retiendra Robinson, on l’amusera jusqu’à une réponse de la Bavière. »

Puis le lendemain, passant de l’espoir d’être refusée à la crainte