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bout dans toute son exaltation le sentiment du pontificat, fortifié et excité par vingt-cinq années d’épreuves. C’était une âme impétueuse et naïve. Son successeur, le pape Léon XIII, s’est trouvé être un politique plein de mesure et de finesse. Temporisateur prudent et habile, il a su ménager son autorité, attendre les circonstances, éviter ou adoucir les conflits, renouer des relations avec des puissances intéressées à la paix religieuse, et le résultat de cette politique pratiquée avec autant de sagacité que de suite a été de refaire en peu de temps pour ainsi dire la situation du pontificat. Par son habile modération, Léon XIII, le nouveau « prisonnier du Vatican, » s’est créé une force de plus dans ses revendications comme dans ses résolutions, et c’est précisément ce qui donne plus de portée aux manifestations récentes par lesquelles il a cru devoir s’élever contre la position qui lui est faite à Rome. Les Italiens, par leurs imprudences, ont malheureusement donné dans ces derniers temps au chef de l’église plus d’une occasion de se plaindre. Il y a quelques mois, la translation des cendres de Pie IX a été le prétexte de scènes aussi pénibles que déplacées, qui ont eu du retentissement dans plus d’un pays catholique, et ce n’est pas le seul fait de ce genre. Léon XIII s’est donc plaint vivement. Il a insisté avec amertume sur la condition à laquelle il se trouvait réduit et qu’il a représentée comme u devenant de jour en jour plus intolérable. » Faut-il en conclure que le pape serait disposé à donner prochainement une sanction à ses paroles en quittant Rome, en allant chercher un asile en Allemagne, à Fulda ou ailleurs? On l’a dit, on le répète encore. Il est fort possible que Léon XIII tienne à ce qu’on sache bien que lui, le plus modéré des pontifes, il n’hésiterait pas à partir si on lui rendait le séjour du Vatican trop difficile.

Tout semble indiquer cependant qu’il est décidé à épuiser tous les moyens avant d’en venir là, et ce qui laisse peut-être entrevoir la pensée du chef de l’église, c’est une brochure qui a paru, tout récemment, au lendemain des derniers discours pontificaux, qui a été, dit-on, inspirée par le Vatican, et qui a pour titre le Pape et l’Italie. Qu’on le remarque bien, cette brochure ne ressemble nullement à une déclaration d’incompatibilité entre la papauté et l’Italie. Elle n’admet pas, il est vrai, comme possible la continuation de ce qui existe par la soumission du pape aux faits accomplis, par une « conciliation » chimérique du chef de l’église et du roi, résidant ensemble à Rome. Elle admet encore moins l’intervention des armées étrangères pour défaire ce qui a été fait, elle évite même de relever dans son intégrité la question de la souveraineté temporelle, de l’ancien état pontifical. Ce qu’elle représente comme possible et réalisable, c’est « une réconciliation » du pape et de l’Italie sans appel aux armées étrangères, sans violences, par la force des choses, par le sentiment d’un intérêt bien