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monde avant que l’ancienne chambre eût cessé de vivre. Quand le ministère a eu accompli en pouvoir faible ces divers actes d’une médiocre carrière, quand il a eu présidé et à l’expulsion définitive des moines, et à l’expédition de Tunisie, et aux élections générales, il avait fait son étape; il était à bout de vie, il est tombé sous le poids de sa propre impuissance, ou, si l’on veut, il est tombé devant plus fort que lui, devant la prépotence reconnue du moment. Le ministère Ferry a duré un peu plus d’une année. Aujourd’hui, après cette année écoulée, c’est M. Gambetta qui a pris le pouvoir, qui est entré un peu en maître aux affaires, moins préoccupé de trouver des coopérateurs que des serviteurs. Et maintenant, à son tour, que va faire M. Gambetta? Quels sont ses secrets et ses moyens pour parcourir, avec l’autorité et le succès qu’il se promet sans doute, cette carrière nouvelle qui s’ouvre devant lui? C’est là justement qu’est la question, et à voir comment tout s’enchaîne et se presse, comment la marche des choses s’embarrasse è chaque instant, cette question ne laisse pas d’être compliquée. La vérité est que, de ministère en ministère, depuis quelques années, depuis que le régime républicain est établi sans contestation et sans partage, on va à l’aventure, cédant aux pressions des partis, s’abandonnant à un courant qu’on ne maîtrise plus. On est allé si loin qu’à l’heure qu’il est, il n’est plus peut-être bien facile de s’arrêter, de se ressaisir en quelque sorte, de chercher à remettre un certain ordre dans les idées et dans le gouvernement. On en est là, ai seuil de cette aimée 1882 qui commence.

Le mal n’est point d’aujourd’hui ni d’hier sans doute ; il date de plus loin, il s’est étendu et aggravé par degrés, jour par jour, et c’est une puérilité des satisfaits, des complaisans du nouveau régime de ne voir que des mécontens moroses, des ennemis de la république dans tous ceux qui n’ont cessé de signaler avec une indépendante sincérité ce mal envahissant des idées fausses et désorganisatrices, Il ne s’agit nullement de l’existence de la république, qui n’est point mise en doute. Ce qui est en question, ce qui est positivement redoutable, c’est une certaine politique qui, sous une couleur républicaine, n’est qu’une politique de parti ou de secte, qui s’est imposée plus ou moins à tous les ministères depuis l’inauguration de la présidence nouvelle et qui en définitive tend à tout désorganiser. Oh ! sans doute, il peut y avoir des hommes qui, surtout depuis leur avènement aux affaires, commencent à sentir que les choses ne peuvent pas marcher ainsi, et il est même aujourd’hui de mode dans un certain monde officiel de se donner de la gravité, de répéter que le moment est venu de refaire un gouvernement, de relever l’autorité légitime de l’état. Faire un gouvernement sérieux, rien de mieux à coup sûr. On oublie seulement trop souvent que c’est là une œuvre qui a ses conditions, qu’on ne fait pas de l’ordre avec du désordre, qu’on ne reconstitue pas un gouvernement