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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.

Toutes les fois qu’on est ramené par l’invincible cours des choses à cette heure indécise et fuyante de la fin d’une année, du commencement d’une année nouvelle, on ne peut se défendre d’une certaine émotion. On se sent partagé entre ce passé d’hier qui déjà se dérobe, qui a eu ses illusions, ses excès, ses luttes stériles, ses mécomptes, et cet avenir de demain qui, lui aussi, aura sans doute ses déceptions, devant lequel il faut cependant s’interdire les défiances et les découragemens, puisque cet avenir, c’est la destinée de la France. On est brusquement replacé par cette heure insaisissable qui sépare deux années en face d’une double question : quel chemin a-t-on parcouru ? par quelles œuvres s’est signalée cette période qui s’achève ? — Quel chemin va-t-on parcourir ? Comment procédera-t-on pour détourner du pays les périls que peut lui réserver l’inconnu ?

À vrai dire, cette année qui se clôt aujourd’hui n’a pas une trop brillante histoire. Elle se résume à peu près tout entière en quelques faits caractéristiques dont la responsabilité appartient à un ministère qui venait de se reconstituera la fin de 1880, qui, après avoir eu pour chef M. de Freycinet, passait sous la présidence de M. Jules Ferry. Cette année 1881, elle a commencé en pleine campagne contre les congrégations religieuses. Elle a vu aussi l’expédition tunisienne, cette expédition qui pouvait sans doute être nécessaire dans un intérêt de sécurité, mais qui a été engagée et poursuivie de telle façon qu’elle a mis la confusion dans nos finances comme dans notre armée, laissant en définitive un embarrassant héritage. Elle a vu enfin, cette année 1881, les élections générales, des élections qui n’avaient rien d’inattendu, qui n’étaient que l’application la plus simple des règles constitutionnelles, mais qui ont été combinées avec un tel esprit d’ordre qu’on a en un moment ce spectacle singulier d’une chambre nouvelle venant du