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indépendance financière et de remporter une victoire sur la France, comme si les maisons françaises ne tenaient pas une large place dans le syndicat souscripteur, et comme si tous les contractans de l’emprunt ne comptaient pas sur le marché français pour l’écoulement de la plus grande partie des titres. Aujourd’hui que les rentes italiennes, comme toutes les valeurs étrangères, sont en baisse à la bourse de Paris, les mêmes journaux attribuent cette baisse à de secrets sentimens d’hostilité et nous font un grief de la fermeté des fonds français. Faut-il rappeler à ces irréconciliables que la perspective d’une nouvelle et assez prochaine émission de 300 millions peut peser d’un certain poids sur les fonds italiens ? En outre, quand le public européen, dont le marché de Paris ne fait que traduire les impressions, voit le général Mezzacapo, soutenu par une fraction nombreuse du parlement, réclamer une augmentation de 200 millions pour le budget de la guerre ; quand il voit le ministre de la guerre dépenser, d’urgence, des millions pour les fortifications de Rome, comme si, en cas d’invasion par l’Autriche ou par la France, les forts détachés de Rome pouvaient conjurer les conséquences de batailles perdues sur les rives du Mincio ou sur celles du Pô ; et le ministre de la marine faire mettre sur le chantier des vaisseaux qui coûteront 25 millions comme le Duilio et comme lui ne pourront entrer dans un port italien sans risquer un échouement; lorsqu’il voit enfin un pays qui n’a pas d’ennemis se mettre à guerroyer contre des fantômes, il est tenté de se demander si un peuple qui s’est montré jusqu’ici sage, prudent et avisé, ne va pas déserter la voie des progrès pacifiques pour se jeter dans quelque aventure. Il est à souhaiter pour le bien de l’Italie que les gens raisonnables réagissent contre les écarts de quelques esprits turbulens. A plus juste raison encore que le baron Louis, M. Magliani peut dire à ses collègues du ministère et du parlement : « Faites-moi de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances. »


CUCHEVAL-CLARIGNY.