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afflux en Italie des écus d’argent en provenance des autres pays de l’Union latine. Jusqu’à ce que la question monétaire fût réglée, soit par des arrangemens internationaux, soit par une des oscillations qui se produisent périodiquement dans le prix des métaux précieux, il ne fallait, pas s’exposer au danger de voir l’argent chasser de l’Italie l’or qu’on allait tenter d’y ramener, et un inconvénient, nouveau et à peine moins grave se substituer au mal auquel on voulait remédier. Quant à la marche de l’opération et à sa durée, qui devait embrasser deux années, M. Magliani expliqua que le gouvernement devait se réserver la faculté de choisir le moment le plus favorable pour agir, ce qui dépendait à la fois des conditions du marché monétaire européen et de la situation du crédit italien ; qu’il était impossible de se procurer d’un seul coup et à bref délai la masse de métaux précieux nécessaire, et qu’il fallait que cet approvisionnement métallique fût en la possession de l’état avant de rien entreprendre, sous peine de voir les mêmes écus d’or passer et repasser plusieurs fois des caisses du trésor dans celles de ses prêteurs. En même temps qu’on ferait entrer dans les coffres de l’état les espèces d’or, on commencerait à mettre en circulation, en échange des petits billets, la monnaie divisionnaire d’argent dont l’écoulement à l’étranger n’était pas à redouter : on retirerait ainsi pour 114 millions de papier. Ce premier pas accompli, on commencerait à faire graduellement circuler les écus d’argent et les pièces d’or, dont l’apparition guérirait chez les plus timorés la manie de thésauriser les espèces et mettrait fin à tout agio : alors la confiance dans les billets étant pleinement établie, l’état pourrait, sans courir aucun risque, ouvrir ses guichets à l’échange du papier contre espèces. Aucun changement ne serait brusquement apporté dans les habitudes du public : les banques d’émission et les autres établissemens de crédit auraient tout le loisir de se préparer à la situation nouvelle.

La loi venait à peine d’être votée, avec quelques modifications de détail et à une énorme majorité par la chambre des députés, lorsque la question tunisienne détermina une crise ministérielle et fit appréhender une dissolution du parlement. Le vote de la chambre élective se fût trouvé ainsi annulé et tout le fruit des efforts de M. Magliani eût été perdu. Pour obvier à cet inconvénient, le sénat mit immédiatement le projet de loi à l’ordre du jour ; tous les orateurs et le rapporteur lui-même renoncèrent à prendre la parole et la loi fut votée par acclamation. Nous ne croyons pas qu’aucun ministre des finances ait jamais reçu un témoignage aussi spontané et aussi flatteur d’approbation et de confiance. La loi fut immédiatement sanctionnée et promulguée.