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1 milliard. M. Depretis ne tarda pas à prendre la direction d’un autre département ministériel et, dans une nouvelle combinaison, le portefeuille des finances échut à M. Magliani, qui l’a conservé depuis lors, sauf un court intervalle de quelques mois.

M. Magliani a fait son apprentissage dans les postes secondaires du ministère des finances, et sous un financier émérite, M. Bastogi ; c’est dire qu’il possède, avec une expérience précieuse, la connaissance parfaite des moindres rouages de l’administration à laquelle il préside. Il lui a donc été possible d’en améliorer le fonctionnement par des réformes pratiques et mûrement étudiées. Esprit exact, laborieux, appliqué, amoureux de la précision, M. Magliani éprouve le besoin de se rendre compte des moindres détails et il ne se laisse point rebuter par les calculs les plus arides et les plus minutieux. On ne saurait contester ni la sûreté de son coup d’œil, ni la fermeté de son jugement, ni la décision de son caractère, et, en défendant l’équilibre du budget contre les exigences de ses collègues, il a donné plus d’une preuve de cette énergie, de cette férocité qu’un homme d’état illustre mettait au premier rang des qualités d’un ministre des finances. M. Magliani n’est pas seulement un financier, c’est aussi et plus encore un économiste éminent, familier avec tous les grands problèmes qui se rattachent à la production de la richesse, sachant envisager les questions sous toutes leurs faces, mais habitué à penser par lui-même et sans s’asservir aux doctrines d’aucune école. La régénération financière de l’Italie est son œuvre : s’il lui est donné d’aller jusqu’au bout de son entreprise et de mettre fin au cours forcé, il aura acquis les titres les plus sérieux à la reconnaissance de ses compatriotes.

M. Magliani comprit, dès le premier jour, que, pour mettre fin aux inconvéniens du cours forcé, il était indispensable de ramener en Italie une quantité notable de métaux précieux et de retirer d’un seul coup la plus grande partie, sinon la totalité, du papier-monnaie. Un emprunt contracté à l’étranger et payable uniquement en espèces pouvait seul conduire au but. Or le crédit de l’Italie n’était pas encore suffisamment affermi pour permettre la négociation d’un emprunt de l’importance nécessaire. Il jugea donc que, malgré la bonne volonté des chambres, malgré leurs vœux fréquemment répétés, il valait mieux ajourner le premier point du programme financier de la gauche, et, pour satisfaire aux engagemens pris par le gouvernement, s’occuper d’abord de réaliser un autre point de ce programme : la suppression de l’impôt sur la mouture. Ce fut à cette tâche qu’il consacra ses premiers efforts. Cette suppression ne constituait pas seulement un problème financier très ardu, elle avait acquis toute l’importance d’une question politique. Quelles que soient les critiques qu’on puisse lui adresser en théorie, le droit