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républicains déguisés. Il ne cache pas qu’il préfère l’appui du centre catholique à l’appui des progressistes. Il fait la paix avec la curie romaine, ajoutant lestement qu’il l’a toujours voulue, que « la guerre n’est pas une institution. » Au besoin, il recevrait le pape en Allemagne, si le pape quittait Rome, comme il en a fait plus d’une fois la menace dans ces derniers temps. Le chancelier, en un mot, suit une politique qui n’est pas précisément de nature à le rapprocher de l’Italie, au moins pour le moment. Les Italiens, dans leur impatience, n’ont pas vu qu’ils choisissaient mal leur heure pour offrir une alliance dont on n’avait pas besoin, et le chancelier d’Allemagne, sans le leur dire positivement, les a traités avec une liberté un peu hautaine. Le fait est, dans tous les cas ; que le discours de M. de Bismarck, venant après les explications du comte Andrassy et de M. de Kallay, ramène à des proportions modestes le voyage de Vienne et qu’il peut passer pour une singulière façon de préparer le voyage du roi Humbert, surtout de ses ministres, à Berlin. Bien entendu, M. de Bismarck, lui aussi, n’a fait aucune difficulté d’atténuer, par des explications particulières, ce qu’il y avait de sévère ou de tranchant dans son langage sur l’Italie et de désavouer toute intention blessante ; mais enfin, ce qui est dit est dit.

En réalité, on ne peut s’y tromper, cette campagne diplomatique dans laquelle l’Italie s’est récemment engagée n’a que médiocrement réussi ; elle n’a pas tenu jusqu’ici tout ce qu’on s’en était promis à Rome, et par une coïncidence à remarquer, au moment même où M. de Bismarck s’exprimait avec tant de liberté dans son parlement, ce voyage à Vienne, qui n’a pas été suivi d’un voyage à Berlin, était dans la chambre italienne l’objet d’explications, plus intéressantes peut-être parce qu’elles ne disent pas que par ce qu’elles ont révélé. Affecter le silence sur les jugemens un peu « acerbes » de M. de Bismarck, sur « l’incident désagréable de Berlin, » ou ne le pouvait guère, et cela n’aurait servi à rien. Évidemment « l’incident désagréable » a pesé sur la discussion italienne ; et tout en répétant à l’envi qu’il ne fallait pas trop s’émouvoir de quelques paroles qui avaient trait principalement à la politique intérieure de l’Allemagne, on n’en a pas moins ressenti la blessure. Ce n’était pas visiblement la réponse qu’on1 attendait en échange de l’empressement qu’on avait témoigné pour entrer dans l’alliance austro-allemande. La déception a été vive : c’est sensible dans le discours de M. Minghetti, qui s’est montré chaud partisan du voyage du roi en Autriche, aussi bien que dans le discours du ministre des affaires étrangères, M. Maricini, qui a accompagné son souverain à Vienne. M. Minghetti a pu parler assez librement, parce qu’en fin de compte, sans admettre l’ingérence étrangère dans les affaires de son pays, il est peut-être de l’avis de M. de Bismarck sur les connivences à