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préparé pour rien. Il montre plus d’embarras que de décision, plus d’inexpérience que d’habileté. Il hésite sur tout, il perd un temps précieux, et, après avoir été tout d’abord une surprise par la manière dont il s’est trouvé composé, il surprend encore plus, depuis qu’il est né, par son inaction, par la manière dont il laisse flotter la direction des affaires dans le parlement et hors du parlement. Il a positivement étonné par une certaine indigence d’idées, par une apparence de fatigue et de stérilité dès le premier moment.

Assurément, on aurait compris qu’un gouvernement nouveau tînt à prendre quelques jours pour coordonner son action, qu’il évitât d’engager trop de questions à la fois, qu’il voulût commencer par liquider devant les chambres les affaires passablement embrouillées qu’il recevait du dernier ministère. C’était une tactique aussi prudente que légitime. Malheureusement, le chef du nouveau cabinet, M. Gambetta, n’a pas vu qu’il y avait pour lui un autre danger à éviter : le danger de ne rien faire, de laisser trop voir que ce temps qui passait était du temps perdu, de prolonger sans compensation et sans raison l’attente publique. C’était livrer les esprits à toutes les incertitudes dans le moment le plus décisif. Il en est résulté aussitôt une sorte d’hésitation dans l’opinion et dans le parlement lui-même. La majorité n’a point sans doute manqué au gouvernement dans les quelques votes qu’on a eu à demander aux chambres ; elle a paru froide et flottante, plus difficile à manier ou à fixer, comme si tout avait changé, comme si on avait déjà fait bien du chemin depuis un mois. En d’autres termes, avant d’être êlevé à la présidence du conseil, M. Gambetta était l’homme indispensable, universellement désigné. Le jour ou il est arrivé au pouvoir avec son ministère tel qu’il l’a fait, il a provoqué un premier mécompte qui n’a pas tardé à se manifester sous toutes les formes du doute et de l’ironie. Après quelques semaines de pouvoir, il n’est plus déjà qu’un chef de cabinet comme un autre, embarrassé au milieu des difficultés dont il a recueilli l’héritage, et des ennuis qu’il se crée à lui-même par son attitude, par quelques-uns de ses actes, par ses théories ou ses pratiques de gouvernement. Dès ce moment, on peut dire que la contestation a commencé pour lui ; elle le suit, elle a grandi dans la mesure où le crédit de M. le président du conseil a diminué depuis son arrivée aux affaires. C’est là justement le changement qui s’est accompli en quelques semaines au détriment dû ministère, qui est le résultat visible d’une certaine confusion trop prolongée et de quelques faussés manœuvres.

Déjà le Chef du cabinet a pu s’en apercevoir dans cette discussion qui s’est élevée à la chambré au sujet de la création de nouveaux ministères et qui a pris tout à coup un intérêt inattendu. Rien de plus curieux et de plus instructif que ce débat, dont le point de départ est