Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/936

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la nomination du prince, donne son avis sur les questions qui lui sont soumises ; son organisation j’appelle celle du conseil d’état en France.

En 1874, les recettes de la principauté provenant d’impôts directs et en grande partie d’une taxe personnelle en rapport, comme nous l’avons vu, avec le rang, la profession, et les revenus de chaque contribuable, étaient de 19 millions de dinars ou francs environ[1]. Les dépenses ne se sont même pas élevées à cette somme, et elles ont laissé un excédent de 40,000 francs. La Serbie, en dehors d’un petit emprunt intérieur de 10 millions de francs motivé par sa dernière guerre avec la Turquie, n’a pour dette nationale que 25 millions de francs, dette garantie par la Russie, en 1877, à divers banquiers de Paris, Quant à son commerce, lequel est presque tout aux mains des juifs, c’est avec l’Autriche-Hongrie, la Turquie et la Roumanie qu’il se fait. La principauté reçoit de ces pays divers produits évalués à 31 millions de francs. ; elle en exporte de son côté pour une somme de 36 millions[2]. Cette exportation consiste généralement en animaux vivans et surtout en porcs, élevés presque sans frais et par troupeaux considérables dans les immenses forêts qui couvrent la plus grande partie du territoire serbe.

Évidemment, les temps sont proches où la Serbie doit prouver qu’elle a d’autres ressources que celles dont nous venons de donner le chiffre. Elle en a fini avec les guerres de l’indépendance et aussi, — nous le souhaitons pour elle, — avec les craintes inspirées par deux puissans voisinages, l’Autriche-Hongrie et la Russie. Ce qui lui manque, ce sont des routes et des voies ferrées. Et qui sait ? Absorbée qu’elle était par le souci de sa défense, elle n’a peut-être connu que dernièrement les régions où il lui fût possible d’en ouvrir. Certes, ce à le sont pas les Turcs, ignorans et engourdis par leur fatalisme, qui eussent pu les leur indiquer. Le croira-t-on ? Jusqu’à une époque peu éloignée de nous, il était paradoxal de dire qu’un voyage de Belgrade à Salonique fût possible en cannasse, et cela car la raison bien simple qu’il n’avait jamais été ouvert de route entre ces deux villes par aucun peuple et que les anciennes cartes de géographie indiquaient, par erreur, comme non interrompue, la chaine de montagues qui court du nord au sud en Turquie d’Europe. Grâce aux travaux de Boué et de Grisbach, à la carte de Kiepert, grâce aussi à quelques voyages scientifiques entrepris avec l’intention de faire connaître la presqu’île turque, il est avéré aujourd’hui que la nature a fait ce que la main des hommes aurait eu à faire, et qu’il est, en effet, possible d’aller en voiture de Belgrade à Salonique

  1. Un dinar vaut 1 franc.
  2. Tableau des douanes serbes en 1875.