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et sur laquelle il n’y a pas de transaction possible si les susceptibilités passionnées de l’Allemagne ne s’effacent pas. »

C’est en se plaçant à ce point de vue que M. de Moustier, après l’entretien de M. de Goltz avec l’empereur, mettait le gouvernement néerlandais en demeure de sanctionner contractuellement les arrangemens intervenus entre les deux souverains.

« Nous persistons, télégraphiait-il le 3 avril à M. Baudin, à considérer le roi comme personnellement engagé. Nous ne le compromettrons pas, mais il faut qu’il ne fasse aucune nouvelle démarche, comme celle qui a eu un si fâcheux résultat et dont M. de Bismarck se plaint amèrement. Il faut aussi que l’on ne permette pas que le prince Henri provoque dans le grand-duché des contre-manifestations ; cela est de la plus haute importance. »

M. de Zuylen était ébranlé ; il se sentait moralement engagé, il savait que déjà une partie du prix de cession était réglée. D’ailleurs les nouvelles qu’il avait reçues le matin même de M. de Bylandt étaient plus tranquillisantes ; la tourmente parlementaire paraissait conjurée, M. de Bismarck avait répondu en termes courtois à sa note du 31 mars. Le président du conseil s’était plu à reconnaître qu’il n’existait aucune solidarité entre le gouvernement hollandais et le Luxembourg ; il ne s’était pas prévalu de la manifestation du Reichstag pour s’opposer à la cession. M. de Zuylen connaissait aussi la démarche que le comte de Goltz venait de faire auprès de l’empereur ; il allait céder aux instances de M. Baudin lorsque le comte Perponcher s’annonça. Il venait déclarer que le cabinet de Berlin, en face du soulèvement de l’opinion publique allemande, se verrait forcé de considérer la cession du Luxembourg à la France comme un cas de guerre. « Le roi des Pays-Bas, disait-il, a la liberté de ses actes, mais il en a aussi la responsabilité, et s’il a vu jusqu’à présent dans la transaction qu’il poursuivait une garantie pour la paix générale, il est de mon de voir de le détromper. Mon gouvernement lui déconseille de la manière la plus formelle d’abandonner le Luxembourg à la France. »

M. de Zuylen se trouvait en face d’une sommation péremptoire ; il ne pouvait hésiter. Il épondit qu’il prendrait les ordres du roi. « Quant à la décision du gouvernement hollandais, disait-il, elle ne saurait être douteuse devant l’éventualité menaçante d’une guerre européenne. » Le cabinet de La Haye jouait de malheur. Il croyait, par la cession du Luxembourg, sauver la paix et se débarrasser d’une solidarité compromettante. Il croyait la France et la Prusse en parfait accord, et il se trouvait subitement placé entre l’enclume et le marteau, l’empereur le sommant d’exécuter ses engagemens et M. de Bismarck lui intimant l’ordre de ne pas les