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elle son argent et, de plus, la domination de la Turquie en Serbie. Milosch partit à cheval de Belgrade et gagna à franc étrier la montagne de Roudnik, où il prépara sans bruit, avec quelques fidèles haïdouks, la révolution qui devait délivrer encore une fois, et cette fois d’une façon à peu près complète, la Serbie du joug ottoman.

C’est le dimanche des Rameaux, de l’année 1815, qu’éclata la révolte-, d’abord à Takovo, IMMHL à jamais célèbre dans les annales serbes, puis, dans la Schoumadia et enfin partout où les Turcs se trouvaient en minorité. « Guerre, guerre ! Enfin, Milosch est encore avec nous ! » criaient des milliers de voix. Paysans, moines, enfans, femmes, chacun combattait l’ennemi à sa manière et comme il pouvait. Les anciens compagnons de Kara-George qui avaient fui en Autriche rentrèrent en Serbie. Ce fut d’abord une guerre de haïdouks, c’est-à-dire de coups de main ; puis elle devint sérieuse, tellement sérieuse que, peu de temps après, les généraux des deux armées turques, l’une envoyée d’Albanie et l’autre de Roumélie, aimèrent mieux demander à Milosch des négociations qu’une bataille.

Ces négociations, à vrai dire, n’aboutirent pas à l’établissement de l’indépendance complète de la Serbie. Nous savons qu’il a fallu attendre jusqu’à nos jours pour en conquérir la sanction solennelle ; mais les Serbes passèrent du moins de la condition de raïas, c’est-à-dire d’esclaves, à la condition d’hommes libres. Sauf un pacha qui, à Belgrade, représentait la Turquie, on remît en vigueur la vieille constitution nationale des Serbes. Dans toutes les forteresses, un knèze siégeait comme juge à côté d’un musselim. Les contestations entre chrétiens étaient jugées par le knèze, les contestations entre chrétiens et Turcs étaient jugées par le knèze et le musselim réunis. Le pacha et les knèzes déterminaient l’impôt qui incombait aux chrétiens. La skouptchina en fixait la répartition par districts, et des employés serbes étaient chargés de les percevoir. Un tribunal suprême, composé uniquement de Serbes, devait siéger à Belgrade et juger en appelles causes importantes ; à ce tribunal, nommé aussi chancellerie, appartenait en outre la haute administration des affaires publiques. Si un Serbe était condamné à mort, il était déféré au pacha, qui pouvait seul faire appliquer la peine ou prononcer la grâce. Enfin, comme chaque district avait son knèze, chaque village avait son kmète.

Les péripéties de la lutte d’un petit peuple contre un grand empire seront toujours suivies avec intérêt par ceux que révoltent la force brutale et la tyrannie odieuse, mais cet intérêt cessera aussitôt que l’héroïque petit peuple, ayant triomphé de son puissant