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reste libres de s’avancer tout à leur gré vers le nord, où ils rencontraient d’autres peuples de même race, mais ils ne pouvaient aller vers Constantinople, où veillaient les empereurs d’Orient[1].

Le schisme du patriarche Photius, qui, au IXe siècle, sépara l’église d’Orient de l’église d’Occident, divisa malheureusement les populations slaves du Sud. Les Croates restèrent fidèles à leurs anciennes croyances, c’est-à-dire à l’église romaine ; mais les Serbes, se souvenant mieux de leur origine orientale, aspirant peut-être à jouer plus tard un grand rôle à Constantinople, embrassèrent la nouvelle doctrine avec une ardeur qui ne s’est jamais refroidie. La noblesse serbe se mit à la tête de l’opposition contre les papes, et la pression que Rome chercha à exercer sur le clergé en voulant faire supprimer la liturgie slave pour faire prévaloir la liturgie latine, ne fit qu’accentuer plus profondément la séparation.

Ce qu’il y a d’étrange, à cette époque où les prédicateurs musulmans disputaient à la religion chrétienne les peuplades de l’Orient, c’est de voir une nouvelle fraction de la famille serbe se détacher pour embrasser l’islamisme lorsque rien ne l’y contraignait. Nous ne parlons pas des Bosniaques (les Serbes musulmans d’aujourd’hui, qui ne changèrent de religion que pour se soustraire au pal), mais des Bulgares. Fatale séparation qui, jointe à celle des Croates, a sans nul doute empêché les Serbes de jouer plus tôt en Orient le grand rôle auquel ils semblaient appelés, et auquel ils s’essayèrent, du reste, quelques siècles plus tard, sous le règne de leur grand roi Stefan Douschan.

On ne sait pas grand’chose de l’histoire de la vieille Serbie. Cependant il est avéré que, dès le XIe siècle, les Serbes chassèrent les Byzantins qui voulaient les dominer et qu’ils les écrasèrent dès que ces derniers se montrèrent sur leurs frontières. A l’époque des invasions asiatiques, dirigées par Gengis-Khan, lorsque les Russes se

  1. Le peuple serbe était réparti en 1873 de la manière suivante :
    Principauté de Serbie, déduction faite de 110,000 Roumains. 1,140,000
    Monténégro (Cerna Gora) 200,000
    Herzégovine 227,000
    Bosnie 780,000
    Novi-Bazar 120,000
    Hongrie, Croatie, Slavonie 1,000,000
    Dalmatie et Istrie 425,000
    Ensemble 3,892,000


    Si, à ces chiffres, on ajoute 6,000,000 de Bulgares, 1,350,000 Croates et 1,210,000 Slovènes, on trouve que le nombre des Slaves du Sud seulement était en 1873 de 12,452,000 individus. Il a dû considérablement augmenter depuis.