Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/897

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gravure sur bois, il les fit faire également à l’art de la gravure au burin. À ses débuts, il s’inspira très visiblement des gravures de Martin Schœn (pour la conduite et le caractère des tailles, bien entendu). D’année en année, son burin s’assouplit, perd de sa rudesse primitive, devient plus moelleux dans les demi-teintes, ménage avec douceur les transitions de l’ombre aux lumières. À partir de 1500, on peut dire que l’artiste est déjà maître de ses procédés. L’Apollon et Diane est de 1503, ainsi que les admirables Armoiries au Coq et à la Tête de mort ; de 1504, la Nativité et l’Adam et Ève ; de 1505, le Grand et le Petit Cheval ; de 1510, le Saint Eustache ; de 1511, la Passion en seize pièces et la Grande Fortune ; de 1514, le Saint Jérôme dans sa cellule, le Cheval de la Mort et la Mélancolie. J’arrête cette énumération de chefs-d’œuvre[1]. Je reparlerai de la plupart d’entre eux lorsque j’étudierai l’esprit et l’ensemble des travaux du grand artiste.

Albert Dürer ne fut point seulement peintre et dessinateur, il n’a point seulement la gloire d’avoir renouvelé l’art de la gravure en bois ou au burin, d’avoir le premier essayé de l’eau-forte et gravé de véritables merveilles à la pointe sèche ; l’étendue de ses aptitudes allait plus loin encore, et, comme Léonard de Vinci, comme Michel-Ange, il fut architecte, orfèvre, ingénieur, sculpteur ; il a laissé, en outre, quelques manuscrits sur son art. On conserve au British Museum le dessin d’un projet de fontaine et un petit bas-relief en pierre qui montrent l’architecte et le sculpteur. On dit également que les travaux des fortifications de Nuremberg furent exécutés sous sa direction. On lui attribue enfin quelques médailles et quelques pièces de monnaie. Il a écrit lui-même, dans ses notes de voyage, qu’il dessina pour l’orfèvrerie trois poignées d’épée et un sceau. Voici enfin les titres de ses ouvrages littéraires et scientifiques :

1o  Un Traité de géométrie, dédié à son ami Wilibald Pirkheimer ; petit in-folio, 89 feuillets, 63 planches, 1525 ;

2o  Un Traité sur les fortifications de villages, châteaux et bourgs ; petit in-folio, 27 feuillets, 20 planches, 1527, traduit en latin par Camerarius en 1535 ;

3o  Un Traité des proportions du corps humain ; petit in-folio, 132 feuillets, avec de nombreuses planches, écrit en 1523, publié seulement après la mort d’Albert Dürer en 1528, traduit en latin par Camerarius en 1534, et à Paris, en français, par Loys Meygret, de Lyon, en 1557.

Ces bibliographes ont mis sous son nom un Traité des proportions du corps du cheval, attribution contestée par Camerarius, et

  1. Je renvoie le lecteur curieux d’informations plus précises sur les différences et les progrès des procédés dans l’œuvre d’Albert Dürer au travail chronologique publié dans la Gazette des Beaux-Arts du 15 juillet 1860, par M. E. Galichon.