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« conquêtes de 1789, » celle-là, certes, n’était pas la plus facile à faire passer dans la loi. En revanche et fort heureusement, ce fut aussi l’une de celles qui passèrent le plus facilement de la loi dans les mœurs. Car si les écoles centrales ont succombé, ce qu’il y avait de légitime et de fécond dans l’esprit de leur institution leur a survécu. Quand elles disparurent, en 1802, la cause des sciences était gagnée et leur place marquée dans la nouvelle organisation des études.

Mais il ne suffisait pas d’établir en principe l’égalité des deux enseignemens littéraire et scientifique ; il fallait disposer les nouveaux cours dans un ordre proportionnel et logique, afin qu’ils formassent un tout harmonieux et complet. Sous ce rapport, la convention, — ou plutôt son comité d’instruction publique, — fut moins heureusement inspirée. Et, tout d’abord, ce fut une faute grave que de substituer aux anciennes classes des collèges des cours indépendans les uns des autres et facultatifs. Qu’il n’y ait pas une connexité rigoureuse entre les divers exercices d’une faculté, qu’on laisse des jeunes gens qui ont déjà fait choix d’une carrière ou d’une direction se cantonner dans telle ou telle partie, on le comprend. Le système a des inconvéniens, qui frappent tous les yeux et qui ont été bien souvent signalés, de nos jours même, comme une des causes de l’affaiblissement des hautes études ; néanmoins il offre en même temps certains avantages. Mais qu’on permette à des écoliers de douze à seize ans de se spécialiser, voilà qui ne s’explique guère. Les auteurs de la loi du 3 brumaire étaient des libéraux sincères ; on peut douter qu’ils fussent d’habiles pédagogues en les voyant méconnaître à ce point les plus simples règles d’une bonne éducation. Dans leur respect exagéré de la personnalité humaine, égarés par une de ces généreuses utopies qu’ils tenaient de la philosophie du XVIIIe siècle, ils crurent possible de faire du libre arbitre de l’enfant une des bases de leur système ; ils ne s’aperçurent pas que leur invention de cours facultatifs n’était qu’une prime d’encouragement offerte à la négligence des parens, comme à la paresse des écoliers. Se figure-t-on le désordre et l’indiscipline qui devaient régner dans ces écoles, où pas une matière n’était obligatoire, où chaque élève avait le droit de choisir et par conséquent de discuter ses professeurs, où, dans la même section, tel cours pouvait compter jusqu’à cent cinquante inscriptions quand tel autre en réunissait à peine une douzaine ! Évidemment un tel abus ne pouvait qu’engendrer l’anarchie dans les études et porter un coup funeste à la discipline.

Une seule chose aurait pu la sauvegarder : c’eût été l’établissement auprès de chaque école d’un ou plusieurs pensionnats offrant aux parens les ressources et la sécurité qu’ils trouvaient naguère