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réclamations affluent au ministère de l’intérieur. Il y en a dans le nombre de navrantes.

« Je vous renouvelle, écrit à Ginguené le commissaire du pouvoir exécutif pour le département de l’Ain, la prière d’accélérer le traitement des professeurs, dont l’état est des plus déplorables, manquant absolument de tout. L’un d’eux ne vit que de pain et d’eau. » Le même commissaire écrit un peu plus tard au ministre de l’intérieur :

« Les professeurs de l’école centrale du département de l’Ain sont en activité depuis trois mois et n’ont pas encore touché le moindre traitement. Ils sont dans la dernière détresse. » (A germinal an V.)

À ces lettres ni Ginguené ni le ministre ne répondent d’abord. Le commissaire revient alors à la charge :

« Citoyen ministre, écrit-il le 28 germinal, je vous ai écrit le 4 de ce mois pour vous représenter l’état de détresse où se trouvent les professeurs de l’école centrale du département de l’Ain. Ils sont en activité depuis le 1er nivôse et n’ont encore rien touché. La plupart sont des citoyens étrangers qui se sont transportés à Bourg à grands frais ; ils n’ont aucun moyen de subsistance ; je vous renouvelle la demande la plus instante de les faire payer promptement. »

Un mois se passe encore avant que le ministre réponde. Enfin le 29 floréal, il se décide à donner des instructions au payeur-général du département et à en aviser le commissaire. Mais ces instructions demeurent sans effet, et le 25 messidor une nouvelle réclamation des professeurs arrive au ministère. Ces malheureux exposent qu’il y a plus de sept mois qu’ils exercent et qu’ils n’ont encore touché qu’un faible acompte, à peine suffisant pour les dédommager de leurs frais de route.

Cette fois, le ministre prend sur lui d’ouvrir le crédit nécessaire et de faire délivrer à chaque professeur un mandat à son nom. Vous croyez que tout est fini ? Pas encore. Munis de leurs mandats, les professeurs se présentent au payeur-général, qui déclare ne pouvoir y satisfaire avant d’avoir reçu l’autorisation de la trésorerie.

Et qu’on ne croie pas que ces tribulations fussent un accident ; ce qui est un accident, une exception, c’est la régularité des paiemens ; presque partout ils sont en souffrance et l’on ferait un dossier énorme avec les plaintes des intéressés ; il en vient de partout, on les voit se reproduire d’année en année avec une monotonie désespérante ; jusqu’en l’an IX, la correspondance en est pleine :

« Citoyen ministre, écrit le 21 germinal an V, le professeur d’histoire naturelle de l’école centrale de Saint-Girons, depuis bientôt sept mois mon traitement m’est dû, ainsi qu’à mes collègues. »