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le silence de la loi du 3 brumaire sur ce point doit être considéré comme une approbation de la première :

« Considérant que le bon ordre exige que les professeurs soient rapprochés le plus possible du lieu ou ils doivent donner leurs leçons,

« Arrête :

« Les professeurs des écoles centrales seront logés dans l’enceinte des maisons destinées à ces établissemens. »


Le directoire ne donna pas suite à ce projet d’arrêté, qui lui parut sans doute insuffisant ; il préféra saisir le corps législatif d’un projet de loi, qui fut voté le 25 messidor an IV et qui trancha formellement la question. À partir de ce moment, les professeurs des écoles centrales eurent droit au logement dans les maisons affectées à ces établissemens.

Telle était la situation matérielle du corps enseignant : un traitement fixe variant de 3,000 à 2,000 francs, un traitement éventuel et le logement. Il n’y avait pas beaucoup de carrières alors qui fussent plus rétribuées. On pourrait dire avec plus de justesse encore qu’il n’en existait pas qui offrissent plus de garanties. Les professeurs des écoles centrales n’étaient pas précisément inamovibles, mais ils ne pouvaient être destitués qu’après avoir été entendus, et de l’avis du jury d’instruction, par un arrêté de l’administration départementale, confirmé par le directoire. S’ils perdaient leur cause au premier degré de juridiction, ils pouvaient la gagner au second et même au troisième. Ces sages précautions devaient donner une grande sécurité aux membres du corps enseignant ; elles étaient surtout de nature à rehausser leur considération, et, sous ce rapport, comme sous celui du traitement, on peut dire que la convention poussait très loin le sentiment des égards qu’un gouvernement éclairé doit aux instituteurs de la jeunesse.

Malheureusement la réalité ne répondait que bien imparfaitement à ces belles promesses, et l’on se tromperait étrangement si l’on jugeait de la situation du corps enseignant pendant la révolution sur ces seules apparences.

La loi du 3 brumaire ne nous montre qu’un des côtés de la médaille. La correspondance administrative nous « n dévoile un tout différent. Ces professeurs, si convenablement rétribués sur le papier, nous apparaissent là comme de pauvres diables endettés, mourant de faim, ou vivant d’expédiens, et réduits aux plus dures extrémités. De tous les coins de la France il s’élève un long cri de détresse ; les traitemens restent impayés durant des mois entiers et les