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l’accumulation des crédits extraordinaires en un déficit notable. Nous disons : en temps ordinaire, parce que nous avons eu occasion de démontrer ici même que, depuis l’870, pas un seul budget n’a été définitivement apuré.

Ce laisser-aller, cette perpétuelle incertitude sur la véritable situation financière du pays, ne pouvaient être de mise chez nos voisins d’Angleterre, habitués à l’exactitude et à la précision, qui veulent qu’on apporte dans la gestion des deniers public les pratiques rigides du commerce et pour qui le bilan de la nation doit être aussi limpide que celui d’une maison de banque. Aussi ne connaissent-ils pas cette fiction que nous appelons l’exercice financier. L’année financière, qui commence maintenant le 1er avril, se clôt rigoureusement, en recettes et en dépenses, le 31 mars suivant. Lorsque le chancelier de l’échiquier, au commencement d’avril, expose à la chambre des communes la situation financière de l’Angleterre, il est en mesure de faire connaître exactement aux représentans du pays le chiffre des recettes et des dépenses effectuées dans les douze mois qui viennent de se terminer et de dire si le résultat définitif de cette année est un déficit ou un excédent de recettes. La plupart des dépenses s’effectuant en vertu des lois antérieurement votées, il n’y a lieu de soumettre, chaque année, au parlement, que les dépenses susceptibles de varier d’une année à l’autre et dont les plus considérables sont celles de l’armée et de la marine. A moins d’événemens extraordinaires, la session des chambres s’ouvre dans la seconde moitié de février, et cela suffit pour que les dépenses essentielles soient votées en temps utile, c’est-à-dire avant le 1er avril. Quant aux recettes, les impôts établis par une loi continuent d’être perçus jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. L’exposé financier du chancelier de l’échiquier a pour objet de soumettre à la chambre les modifications en plus ou en moins qu’il juge à propos d’apporter aux taxes déjà établies et les ressources nouvelles qu’il croit nécessaires de créer. Il est rare que la discussion se prolonge au-delà d’une séance. La chambre des communes accepte les propositions du chancelier de l’échiquier sous la responsabilité du gouvernement et sauf à lui demander compte, l’année suivante, de l’inexactitude de ses calculs ; les modifications apportées aux taxes sont appliquées dans les vingt-quatre heures. Si d’autres réformes sont jugées utiles, soit par l’opposition, soit par des députés isolés, elles font l’objet de motions spéciales. Elles sont discutées en dehors du budget et elles revêtent la forme de résolutions applicables l’année suivante, en sorte que l’économie de la loi de finances n’en peut jamais être troublée.

La supériorité, au point de vue pratique, de ce système sur le