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l’abri duquel les forces chiliennes pouvaient soutenir le choc d’un ennemi supérieur en nombre. Suffisantes pour se tenir sur la défensive, ces mesures ne l’étaient guère pour prendre l’offensive et aborder résolument l’armée péruvienne. Cette dernière avançait à marches forcées. Le 18 novembre, les éclaireurs chiliens signalaient son avant-garde à quelques kilomètres de Dolores. Immédiatement prévenu par le colonel Sotomayor, le général Escala décida de diriger sur Dolores le surplus des forces dont il disposait à Pisagua. Le matériel très insuffisant du chemin de fer ne permettait pas de transporter ces troupes ; elles devaient rallier Dolores en forçant les étapes. Par le fait de ces mesures, Pisagua se trouvait virtuellement évacué. La faible garnison qui l’occupait était hors d’état de résister à une attaque sérieuse. Si, à ce moment, les troupes boliviennes, qui s’avançaient par le nord, se portaient sur Pisagua, elles s’en emparaient sans coup férir ; l’armée chilienne, campée à Dolores loin de la côte, séparée de l’escadre qui la ravitaillait, se trouvait cernée et contrainte à capituler, faute de vivres et de munitions. Le général Escala ne se dissimulait pas le danger auquel il s’exposait, mais, bien renseigné par ses éclaireurs, il n’ignorait pas que les contingens boliviens avançaient lentement par une route difficile, et il espérait pouvoir regagner Pisagua à temps pour faire face à ce nouvel ennemi.

Le 19 au matin, le général Escala quittait Pisagua à la tête d’une forte division. Le même jour et à la même heure, l’armée péruvienne se déployait en ligne devant les hauteurs de Dolores, et le général Buendia, qui la commandait, convoquait ses principaux officiers en conseil de guerre. Tous furent d’avis que les Chiliens étaient perdus ; l’armée péruvienne comptait douze mille combattans, le colonel Sotomayor n’en avait que cinq mille. Toutefois on décida d’attendre au lendemain pour engager la lutte. On tenait pour certain que le général Daza, avec les contingens péruviens, arriverait dans la nuit et que l’armée chilienne, enserrée de tous côtés, se rendrait ou périrait tout entière. On ne soupçonnait même pas dans l’état-major péruvien que le général Escala arrivait à marches forcées.

La résolution adoptée par les chefs de l’armée péruvienne assurait la jonction des forces d’Escala et de Sotomayor. En vingt-quatre heures, la colonne partie le matin de Pisagua devait arriver à Dolores, mais soit ignorance des mouvemens de son chef, soit désir d’attacher son nom à une bataille importante, soit crainte d’être pris à revers par l’avant-garde bolivienne, le colonel Sotomayor décida d’engager le combat sans attendre les renforts que lui amenait Escala. Sûr de ses troupes et confiant dans la force des positions qu’il occupait, il prit toutes ses mesures pour brusquer l’attaque. A trois heures de