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l’effectif de la marine chilienne. Cette nouvelle capture réduisait la flotte péruvienne, en fait de navires de guerre, à la corvette en bois l’Union et aux batteries flottantes Manco-Capac et Atahualpa, mouillées, l’une à Arica, l’autre au Callao, et immobilisées dans ces ports.

Ce n’était plus sur mer que le Pérou et la Bolivie coalisés entendaient soutenir la lutte contre le Chili. Ils reconnaissaient leur infériorité navale, tout en l’estimant temporaire. On achèterait des navires en Europe, question d’argent ; on pouvait faire fond sur le courage et l’audace des matelots péruviens ; en quelques mois, on remplacerait la flotte détruite ; instruit par l’expérience, on armerait des navires de haute marche et l’on disputerait de nouveau au Chili la possession de l’Océan… Mais, sur terre, le Pérou et la Bolivie se tenaient pour supérieurs. Le combat de Pisagua, non-seulement ne préjugeait rien, mais avait, suivant eux, pour résultat de placer les troupes chiliennes entre deux feux. A La Paz comme à Lima, on tenait pour certain que le triomphe était proche.

En effet, si le coup de main hardi tenté par le Chili contre Pisagua avait réussi, cependant on ne pouvait se dissimuler que le corps de débarquement chilien, isolé sur ce point de la côte, pouvait en être débusqué par une attaque bien combinée, et rejeté à la mer. Pisagua se trouvait entre Iquique, fortement occupé par un corps d’armée péruvien, et Arica, où campait l’avant-garde de l’armée bolivienne. Un peu au nord d’Arica, à Tacna, se trouvait le gros des forces boliviennes. Comme ligne de retraite, les Chiliens n’avaient que la mer. D’Iquique, les alliés pouvaient diriger quatorze mille hommes au nord sur Pisagua. D’Arica, on pouvait lancer une colonne à peu près d’égale force et contraindre le corps chilien à mettre bas les armes ou à s’embarquer sur l’escadre, opération difficile en présence d’un ennemi supérieur en forces. Les présidens du Pérou et de la Bolivie se trouvaient à Tacna et Arica ; un conseil de guerre fut convoqué et un plan de campagne arrêté.

On décida que les deux armées, au lieu de marcher directement, l’une du nord et l’autre du sud, sur Pisagua, effectueraient leur jonction à Dolores, situé entre Iquique et Pisagua et se porteraient ensemble à l’attaque de cette ville. Ce plan avait l’inconvénient d’imposer aux troupes parties de Tacna et d’Arica une fatigue inutile. Pour gagner Dolores, il leur fallait contourner Pisagua, qu’elles laissaient sur leur droite, descendre à Dolores, puis, revenant sur leurs pas, remonter au nord pour livrer combat. Dans cette marche, elles s’exposaient à une attaque de flanc, danger bien inutile à courir. Le but des généraux alliés était d’écraser d’un coup, à l’aide de masses considérables, les défenseurs de Pisagua. Le même résultat pouvait être atteint en abordant Pisagua au nord et au sud et en