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même race que son père Sigismond et pouvait, à un moment donné devenir un appui solide pour le Vatican. Après avoir été vaincu par lui une seconde fois au bord du lac de Trasimène, il résolut de se l’attacher par des liens solides en lui donnant le titre de capitaine-général des troupes de l’église, avec une solde permanente et sans service. Une occasion formidable allait décider le Vatican à demander à Robert son secours effectif. En 1480, Alphonse, duc de Calabre fils aîné de Ferdinand d’Aragon, roi de Naples, vint mettre le siège devant Rome ; Sixte IV, pris d’une véritable épouvante, jeta un cri d’alarme et appela son nouveau condottiere à son secours.

Robert traversa l’Italie à marches forcées, il prit en passant Castel-Gandalfo, Albano et Castel-Savello ; le troisième jour, il marcha droit au duc de Calabre et l’attaqua dans son campement à Nettuno. Au moment où il allait commander l’attaque, il passa ses troupes en revue et remarqua parmi les plus jeunes capitaines de compagnies un cavalier à la fière tournure, qui portait une merveilleuse armure toute damasquinée d’or, tandis qu’on lisait sur son front les signes de l’audace et de la résolution. Il s’approcha de lui et demanda son nom : « Je suis Jacopo, fils du grand Piccinnino ! » répondit le jeune homme. « Eh bien, s’écria Malatesta, voici pour un fils une occasion de venger la mort de son père dans le sang d’Aragon ; » et il lui confia l’aile droite avec trois cents lances. A gauche, il appela les exilés de Naples, les fuonisciti ; il savait qu’il n’y a pas d’ennemis plus redoutables que ceux qu’animent les haines de la guerre civile. Quant à lui, il se réserva le centre et le commandement général. La victoire fut rapide ; Piccinnino fut chargé de poursuivre le duc de Calabre, qui ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval. Robert Malatesta, surnommé le Magnifique, entra triomphalement dans Rome qu’il venait de sauver ; un cardinal tenait la bride de son cheval le sacré collège tout entier marchait derrière lui ; il parcourut en vainqueur toute la cité et fut reçu par le souverain pontife au seuil du Vatican. Mais ces Malatesta étaient tous voués à des destins tragiques ; Rome retentissait encore des clameurs de la victoire, quand, tout à coup le bruit de la mort de son libérateur se répandit dans la cité. Robert était à l’agonie dans le palais du cardinal Nardini, son parent ; le saint père lui porta le viatique, mais il était trop tard, le vainqueur de Nettuno ne put le reconnaître ; la mort avait glacé ses lèvres et fermé ses yeux. Le fils de Sigismond disparaissait à l’âge de quarante ans, enseveli dans son triomphe.

Rome était atterrée, on parlait de poison, et les soupçons se portèrent sur le comte Girolamo Riario, neveu du pape, capitaine des troupes pontificales, qui avait vu d’un œil jaloux la victoire de Malatesta. Pendant le combat il avait essayé déjà de le compromettre et s’était tenu en arrière à la garde des étendards. Machiavel, Sanudo