qui avait appelé à lui ses compatriotes des bandes françaises pour réduire Ordelaffi. Enfin la même proie que déchirent encore les dents de Malatesta Verucchio le centenaire et celles de son fils « il Mastin nuovo » c’est la ville de Rimini, où ils firent périr Montagna dei Parcitade, chef des gibelins (1295). Dante ne raconte donc que ce qu’il a vu ; il habitait Forli, où, exilé, il était secrétaire d’un Ordelaffi Scarpetta ; quand il quittera la ville, il ira demander asile aux Polenta de Ravenne et il mourra à la cour de Guido en 1321.
Sans nous détourner de notre sujet, nous pouvons rechercher quelle est la part de l’imagination et celle de l’histoire dans le récit épisodique du Ve chant de l’Enfer ; celui de Paolo et de Francesca.
L’aîné des fils de Verucchio, Giovanni Sciancato, dur, cruel, difforme, d’un caractère atrabilaire provenant de sa complexion maladive, s’était, dès l’âge de vingt ans, fait un nom comme capitaine. On le regardait comme le successeur probable du centenaire à la seigneurie. Il chevauchait nuit et jour à la tête des bandes, et les plus grandes villes des Marches et des Romagnes recherchaient ses services comme podestat ou capitaine du peuple. Un jour, les Polenta de Ravenne, voisins du Verucchio, seigneur de Rimini, appelèrent ce dernier à leur secours pour résister aux factions qui divisaient la ville et menaçaient leur domination. Comme il y avait à Rimini les Parcitade et les Malatesta, et à Florence les guelfes et les gibelins, à Ravenne, les Traversari tenaient la tête de la faction contraire à celle des Polenta : Verucchio répondit à l’appel des Polenta en leur envoyant le Sciancato. Giovanni chassa les Traversari, et Françoise de Polenta, fille du seigneur de Ravenne, fut le prix de la victoire et le gage de l’alliance. Giovanni, déjà veuf, épousa Francesca en 1275, et, l’ayant surprise en flagrant délit d’adultère avec Paolo Malatesta son propre frère, il fit du même coup deux victimes.
Là aussi les grandes lignes historiques de la composition de Dante restent exactes. En comparant les interprétations des premiers commentateurs de la Divine Comédie qui, plus voisins des contemporains, ont pu le mieux recueillir la tradition, voici comment se seraient déroulés les faits. Le Sciancato, occupé à guerroyer, se serait marié par procuration, et Paolo il Bello, son frère, aurait été envoyé à Ravenne pour épouser la jeune fille et la ramener à son mari. Francesca le voit ; elle le prend pour celui auquel elle doit être définitivement liée ; on fait la cérémonie des fiançailles. Plus, tard, le beau Paolo conduit Françoise en grande pompe à Rimini, et là, en face du Sciancato, abrupt, rude, difforme, et qui réclame ses droits, elle reconnaît son erreur. Boccace, lui aussi, avance qu’on a trompé la jeune fille et caché la difformité de l’époux ; la fiancée aurait été amenée de nuit dans