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constitution autoritaire et lui assurait pour une période de sept années un budget militaire écrasant.

Les états du Sud, mis en demeure d’exécuter les traités d’alliance, se voyaient forcés, bien qu’à contre-cœur, sous la pression des assemblées populaires et sur les injonctions de la diplomatie de Berlin, de hâter leurs préparatifs et de précipiter leur fusion militaire avec les armées prussiennes. Les grandes puissances enfin, en permettant au cabinet de Berlin de se présenter à la conférence de Londres au nom de la Confédération du Nord et de parler au nom des intérêts allemands, assuraient à la Prusse la reconnaissance implicite de ses conquêtes en même temps que la sanction anticipée des transformations qu’elle poursuivait en Allemagne.

Tels étaient les profits que M. de Bismarck retirait de l’affaire du Luxembourg. C’était plus qu’il n’en fallait pour lui faire accepter philosophiquement l’arrêt des puissances, les reproches du parti militaire et le consoler du mécontentement du gouvernement impérial ; il pouvait dire avec le compagnon d’Énée : Dolus, an virtus, quis in hpste requirat ? Mais il ne sortait pas moins de l’aventure diminué, atteint dans son prestige et quelque peu dans son caractère. Les chancelleries européennes étaient stupéfiées, la Prusse déçue ; elle avait mieux auguré de son audace et de son savoir-faire ; elle était exigeante.

« Vous vous targuez, disaient les journaux particularistes, d’être la première nation militaire du monde, vous prétendez que vos victoires ont jeté l’épouvante à Paris et à Pétersbourg, vous dites qu’il ne dépend que de vous d’étendre la main sur les Vosges et sur la Vistule, et à la première sommation, vous abandonnez à la Hollande la province allemande du Limbourg et vous sortez honteusement du Luxembourg. Cessez de vous vanter dorénavant d’avoir relevé la considération de l’Allemagne et consacré sa toute-puissance. »

Il est certain que la Prusse avait subi l’intervention des puissances, comparu devant un arbitrage européen ; que les premiers élans patriotiques du parlement du Nord étaient méconnus et que les déclarations solennelles et réitérées du gouvernement de ne pas sortir du Luxembourg étaient démenties par l’évacuation de la citadelle.

La France, grâce à une évolution diplomatique des mieux inspirées, opérée sous le coup du danger, était sortie avec les honneurs de la guerre de l’impa.sse où par sa faute elle se trouvait perfidement acculée. La politique impériale avait su garder son sang-froid sans rien sacrifier de sa dignité. Elle avait résisté à toutes les provocations, elle avait interverti les rôles, réduit M. de Bismarck à se soumettre aux décisions des grandes puissances, sous peine