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Sectateurs du vrai Dieu, ce Bugeaud vous abuse.
Allons, un pou de nerf, armez votre arquebuse !


Bugeaud n’est pas en reste, et, lui aussi, il dit à ses troupes avant le combat :

Louis-Philippe là-bas, sur le trône de France,
Applaudit à vos coups et voit votre vaillance.

Il y a un récit : Abd’Allah, jeune chef arabe, a visité, au galop de son cheval, toutes les tribus du désert, en leur prêchant la guerre sainte ; dès qu’il a terminé son appel aux armes, il reprend sa course :

C’est de là, par Allah ! qu’Abd’Allah s’en alla.


Après avoir lu ce vers, Chamas s’interrompit pour nous dire : « C’est ce que les anciens appelaient l’harmonie imitative. » Je ne bronchai pas, et Flaubert, levant les bras vers le ciel, s’écria : « C’est énorme ! » Un jeune Bédouin, amoureux d’une chrétienne, fille d’un riche « notaire » de Mostaganem, explique « ses tendres feux » à l’objet de son amour, qui en paraît médiocrement touché et peu disposé à aller

Près de ma tente en poils, où ma mère fidèle
Me prépare un couscouss au lait pur de chamelle.

Le Bédouin insiste, mais il a beau dire : « Mahomet nous attend, » la jeune personne, qui a des principes, sait ne pas se laisser vaincre. L’amoureux désespéré se passe son yatagan à travers le corps et, comme la demoiselle, en fille bien élevée, se voile les yeux de la main, il lui dit :

Demeurez, ne vous détournez pas ;
De vos regards, du moins, honorez mon trépas !


Cette fois, je n’y tins plus et je m’écriai : « Mais ces deux vers-là ne sont pas de vous ; vous les avez empruntés à la tragédie des Scythes de Voltaire. » Chamas eut un incomparable sourire et répondit : « C’est vrai, mais ces vers rendaient exactement ma pensée, et j’ai cru devoir me les approprier, car je n’aurais pas mieux dit. » J’eus quelque peine à me débarrasser de ce Chamas, qui, à toute heure du jour, venait nous consulter sur ses plans dramatiques et nous prier de recommander ses pièces au comité de lecture de la Comédie-Française. Il était tenace et ne comprenait que les choses