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autrichienne, en réservant toute l’intervention et toute l’hostilité de la France pour l’action à exercer dans la diète électorale.

Justement inquiète, la princesse se décida à mettre elle-même le cardinal en demeure de s’expliquer, tout en le prenant par son faible, c’est-à-dire en lui adressant des lettres pleines d’effusion et presque de tendresse, comme une fille pouvait en écrire à son père ou une âme fidèle à son directeur spirituel, et dont quelques lignes étaient toujours tracées de sa propre main. On voit alors s’engager entre le vieux prêtre et la jeune femme un dialogue courtois, presque doucereux, l’une mettant en œuvre, pour arracher une parole qui pût relever ses espérances ou finir ses incertitudes, toutes les caresses de l’art féminin, et l’autre, pour éviter de se découvrir ou de s’engager, se retranchant derrière toutes les finesses du langage sacerdotal et diplomatique. La reine fait vibrer toutes les cordes, elle parle tour à tour de l’horreur inspirée par la perfidie de Frédéric, de l’honneur du roi engagé par la garantie de la pragmatique et la cession de la Lorraine. Elle supplie au nom de l’amour conjugal et du bien de l’église, intéressée à l’union des deux grandes puissances catholiques et au maintien de la couronne impériale dans la famille apostolique par excellence. Le cardinal tient prête à tout une réponse qui ne dit rien : « Les projets du roi de Prusse, dit-il, sans doute répréhensibles, étaient pourtant connus avant d’être exécutés, et comme la reine n’avait pris aucune précaution pour s’y opposer, on avait dû supposer qu’elle les voyait sans inquiétude. Depuis lors, des puissances amies offrent leur médiation, et il faut en attendre l’effet. »

« Je sens, ajoute-t-il, dans toute leur étendue, le prix des bontés de Votre Majesté… Je lui souhaite toutes les prospérités qu’elle mérite par les grandes et aimables qualités que tous ceux qui ont le bonheur de l’approcher reconnaissent et admirent le plus dans sa royale personne. Je comprends les raisons essentielles qui font désirer à Votre Majesté la couronne impériale pour le sérénissime grand-duc son cher époux. Mais, outre que le roi n’a aucun droit de suffrage pour concourir à l’élection qui doit se faire d’un empereur, Votre Majesté me permettra de lui représenter que les affaires de l’Allemagne sont si embrouillées qu’il paraît bien difficile, pour ne pas dire impossible, de prévoir avec quelque certitude l’intérêt que chaque puissance devra y prendre. Votre Majesté a de puissans amis à la diète, mais ils ne sont pas également des nôtres et ne nous veulent pas beaucoup de bien. Nous avons plus à nous garantir du mal qu’à chercher ce qui nous conviendrait le mieux, et Votre Majesté est trop équitable pour trouver mauvais que nous travaillions à nous garantir ! .. »

Mêmes équivoques par rapport à la pragmatique. Le roi est