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pas à mépriser, qu’il était en état de seconder toutes les espèces de vues que le roi pouvait avoir, que son agrandissement ne pouvait porter aucun ombrage, et que, par la position où il était, il devenait son allié naturel dans le Nord,.. qu’enfin nous avions ensemble de bonnes choses à faire.

« Je lui dis qu’il avait pas lieu de douter que l’intention du roi ne fût de se prêter à tout ce qui pouvait contribuer à resserrer ces liens d’amitié qui étaient déjà entre eux. — « Tout cela, mon ami (me dit-il), sont des discours que nous nous sommes tenus jusqu’à présent ; nous ne pouvions rien faire qui vaille jusqu’à ce moment : voici le temps venu que je sache si M. le cardinal veut de moi… Si l’on veut m’avoir, la chose ne traînera pas longtemps, et je vous donnerai mes idées ; je voudrais aussi qu’il me fît part des siennes. Je vous avertis que je suis pressé et que je voudrais savoir à quoi m’en tenir. Personne n’est plus que moi en état de faire le bien de la maison de Bavière et de seconder les vues que le roi votre maître pourrait avoir de le faire empereur et cela sans le compromettre. Après nous être chamaillés quelque temps, il pourra s’élever comme le modérateur. On négociera et il prononcera comme nous sommes convenus. Convenez que je lui fais jouer un personnage qui convient également à sa grandeur et à son goût. Soyez sûr, continua-t-il, mon cher ami, que c’est un abus de croire que tout ceci doive se passer sans quelque coup d’épée. C’est aux jeunes gens à entrer les premiers en danse. Après tout, qu’est-ce que cela vous fait si je m’agrandis de ce côté-ci, et ne devez-vous pas être bien aise que je fasse mes affaires à ce prix ? Si le roi réfléchit, il verra que je ne suis pas un allié à mépriser. » Mais il laissa entendre que le meilleur parti à prendre serait d’unir les deux couronnes par une alliance défensive, dans laquelle on tâcherait de faire entrer les puissances du Nord, comme la Suède et le Danemarck[1].

Valori sortit plus troublé que jamais doutant toujours de la sincérité de son interlocuteur, et très effrayé de la pensée de lui donner par un traité défensif une caution éventuelle contre les conséquences de son aventure. Rencontrant sur son chemin le ministre Podewils, il essaya de le faire parler en feignant de savoir ce qu’il soupçonnait. « Mon cher ministre, lui dit-il en lui serrant la main affectueusement, vous ne le savez pas, mais je suis informé que le roi votre maître est en correspondance avec le grand-duc et qu’ils s’entendent. » Podewils ne manqua pas de communiquer sur-le-champ à Frédéric cette prétendue confidence. « Bah ! répond le roi dans une note confidentielle, cajolez-le comme vous pourrez et faites-lui espérer que je ne séparerai jamais mon intérêt de celui

  1. Valori à Amelot, 12 décembre 1740.