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appelait hier encore les plus grands ennemis de l’empire ; il quitte le parlement quand M. Richter prend la parole. La vue des progressistes lui rend le séjour de Berlin insupportable. Il n’a donc pour le moment d’autre tactique possible ou d’autre ressource que de rechercher l’alliance du centre catholique. Seulement il y a deux difficultés qui compliquent le problème. D’un côté, les hommes du centre, et à leur tête M. Windthorst, sentent assez les avantages de leur position pour faire leurs conditions, pour ne point donner leur appui sans avoir notamment des garanties complètes de pacification religieuse. D’un autre côté, ce système de guerre religieuse qui s’est appelé le Culturkampf, auquel il s’agit aujourd’hui de mettre un terme, est une affaire, non pas allemande, mais toute prussienne, et c’est à la Prusse de s’exécuter, de payer par une rétractation plus ou moins complète des lois de mai les frais de la réconciliation.

C’est là le nœud de la situation parlementaire. M. de Bismarck, depuis quelque temps déjà, s’est visiblement avancé dans cette direction, vers cette réconciliation. Il a donné des gages évidens, et par ce qu’il a fait pour le rétablissement des relations avec le Vatican, et par la nomination des évêques, par les facilités accordées à la réorganisation du culte catholique. Qu’il ne soit pas disposé à subir toutes les conditions, à « aller à Canossa » jusqu’au bout, pour ainsi parler, c’est possible ; il est parfaitement homme à s’arrêter brusquement si on prétendait lui faire une loi trop dure. Il n’est pas moins clair qu’il est pour le moment engagé dans cette voie, et ce qui fait supposer qu’il ne s’y est point engagé à la légère, c’est que, dans le fond, ses combinaisons parlementaires répondent à une certaine situation générale, c’est que ces nécessités intérieures, auxquelles il paraît obéir, se rattachent peut-être à un autre ordre de nécessités supérieures et plus universelles. En réalité, M. de Bismarck est aujourd’hui dans une phase conservatrice ou réactionnaire, peu importe le mot. Lorsque l’empereur Guillaume et le tsar Alexandre III se sont donné rendez-vous cet automne à Dantzig, ils ne se sont sûrement pas rencontrés pour se concerter sur les moyens de sauvegarder les intérêts libéraux dans les deux empires. Les rapports d’intimité que M. de Bismarck a réussi à renouer, qu’il se plaît à entretenir avec l’Autriche, sont d’un ordre tout conservateur. Si les trois puissances du Nord, malgré tout ce qui les divise, semblent, depuis quelque temps, assez disposées à se rapprocher, évidemment, c’est dans la pensée de se tenir en garde contre des perturbations nouvelles ; elles sont d’accord sur certains points, et ce n’est pas l’accession de l’Italie au système des cours de Vienne et de Berlin qui peut changer la nature d’une alliance formée pour maintenir la paix en Europe, on peut le croire, fondée aussi sur des nécessités de préservation, de défense commune contre des éventualités ou des dangers révolutionnaires. Quand donc M. de Bismarck, dans ses