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une confusion nouvelle, par une dernière équivoque. Qu’est-il arrivé, en effet ? À peine la discussion a-t-elle paru épuisée, les motions de tout genre ont éclaté à la fois : proposition d’enquête, ordre du jour pur et simple, ordres du jour de toutes les nuances accentuant ou mitigeant le blâme, donnant un bill d’indemnité, ou faisant des réserves. Deux heures durant, cette majorité nouvelle représentée comme si impatiente de se produire, de se manifester par quelque acte viril et décisif, cette majorité n’a plus su où elle en était, de quel côté elle devait se tourner. Heureusement, on est allé chercher M. Gambetta, et M. Gambetta est arrivé à propos pour tirer la majorité d’affaire en lui proposant une banalité destinée à sauver le parlement d’un « aveu d’impuissance. » Prétendre effectivement, pour rester dans les termes de l’ordre du jour de M. Gambetta, que la France était résolue à exécuter prudemment et intégralement le traité qui a constitué son protectorat à Tunis, c’était ne rien dire ; c’était s’abstenir de porter un jugement sur le passé, sur la manière dont le traité du Bardo a été exécuté jusqu’ici, et éviter de s’engager pour l’avenir. Ce que signifie réellement cet ordre du jour, celui qui l’a proposé le sait peut-être ; ceux qui l’ont voté ne le savent pas à coup sûr, de sorte que ces explications qui devaient tout éclaircir n’ont en définitive rien expliqué et rien résolu ; elle n’ont servi qu’à permettre à un ministère expirant de se retirer sans avoir été ni approuvé, ni blâmé, pour laisser la place libre à un pouvoir nouveau, au chef de cabinet sur qui tout le monde avait les yeux. La question même qui s’agitait a disparu en quelque sorte dans la question ministérielle. Voilà ce qu’il y a de plus clair dans cette discussion et dans ce vote sur une des plus sérieuses affaires du pays.

Non sans doute, il faut l’avouer, ces explications tant attendues et après tout devenues nécessaires n’ont pas été un brillant début pour une assemblée qui, du premier coup, en commençant sa carrière, a donné la mesure de son inexpérience et de ses faiblesses. Elles n’ont pas été non plus une fin brillante pour un ministère qui, après avoir eu la dangereuse fortune d’engager la France dans une grave entreprise, s’est trouvé réduit, pour couvrir sa retraite, à justifier bien des choses obscures, à expliquer bien des choses inexplicables, à rendre compte d’une série d’actes militaires, financiers qui ont ému l’opinion, qui devaient l’émouvoir et qui, en définitive, restent douteux. Il faut bien s’entendre : il y a deux points sur lesquels il n’y a pas à insister. Qu’on se plaise sans cesse à répéter que la situation de la Tunisie ne pouvait laisser la France indifférente, que notre pays, par ses traditions, par une juste préoccupation de sécurité, était intéressé à maintenir son ascendant à Tunis, que notre gouvernement a été conduit par les circonstances à donner à cet ascendant la forme d’un protectorat, soit, ce n’est pas là la difficulté. Ceux-là mêmes qui ont pu croire que l’in-