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concession d’un monopole ensuite, le Crédit foncier actuel pourrait réaliser les espérances qui avaient salué son origine.

Mais, d’autre part, la concurrence présente des avantages sérieux, et c’est ainsi que la Banque hypothécaire prête sur les immeubles en plus forte proportion que le Crédit foncier, limité à 50 pour 100 de la valeur hypothéquée ; de plus, on ne saurait trop regretter que l’esprit d’initiative individuelle et locale ne parvienne pas à s’acclimater chez nous pour y produire tout ce dont il est capable. Nos grandes villes, si riches, si industrieuses, pourvues d’instrumens dont elles ignorent elles-mêmes la puissance, arriveront sous peu à compter sur leurs propres forces plus que sur celles de la capitale, sans lesquelles aujourd’hui encore elles n’osent rien créer. De ce mouvement communal naîtront des associations locales mieux surveillées, plus instruites des besoins particuliers et par cela même plus fécondes. Dans ces derniers temps, plusieurs exemples d’initiative locale ont été donnés à Lyon, à Saint-Etienne, à Marseille, à Bordeaux, etc.

Quant au point de vue particulier du crédit hypothécaire et foncier, qu’il soit distribué par une ou plusieurs sociétés, ce qui importe, c’est d’établir un mode régulier et paisible, uniforme s’il se peut, pour l’émission des obligations et les conditions des prêts. La rivalité et la lutte auraient bientôt fait de rendre toute opération plus difficile et de priver la propriété urbaine elle-même des ressources qui ne lui ont pas manqué jusqu’à présent. Pour la propriété rurale, la question qui vient d’être soulevée ne présente pas malheureusement un grand intérêt, car on ne saurait trop le redire, le crédit lui manque presque totalement.

La législation anglaise, sous prétexte défavoriser l’assainissement et l’amélioration du sol, mais en réalité pour permettre au propriétaire d’accroître la production foncière par toute entreprise utile, telle que drainages, engrais, etc., autorise des prêts faits directement par le trésor public ou à l’aide de capitaux fournis par des particuliers. Ces prêts, remboursables en vingt-deux ans, sont passibles d’un intérêt de 6 1/2 pour 100. Tout capitaliste désireux de prêter à la propriété foncière déclare la somme dont il dispose, et la Banque de l’Échiquier la distribue avec ses propres capitaux et en opère le recouvrement. C’est donc à elle seule que le prêteur et l’emprunteur ont affaire, et, comme en cas de non-paiement la procédure d’aliénation est des plus simples, que des fonctionnaires spéciaux sont chargés de veillera l’exécution des engagemens pris, on peut affirmer qu’en Angleterre le crédit de la terre, quant à la possession et à l’exploitation même du sol, est pleinement assuré. En France, en dehors de l’ancien mode de l’hypothèque, de plus en plus en défaveur, le cultivateur n’a guère d’autre ressource pour