Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’extrémité des avenues qui partent de l’Arc-de-Triomphe, on ne trouve plus que de petites parcelles ; entre Chaillot et Passy, s’il existe toujours de grandes propriétés, on se refuse à les morceler : dans le quartier Marbeuf, qu’une nouvelle opération tentée par la Société des immeubles de Paris va transformer entièrement, ce sont les prix du faubourg Saint-Honoré qui sont visés.

Pour rendre sensible cet accroissement de valeur de la propriété immobilière à Paris, il est bon de rappeler que, lorsque la Société immobilière s’est fondée au capital de 24 millions, elle acquit d’abord rue de Rivoli des terrains qui, mis en adjudication par la ville, n’avaient point trouvé d’acquéreurs, qu’elle en a payé sur le boulevard des Capucines à 825 francs seulement le mètre, et qu’elle a pu réunir à 175 francs le mètre près de 3 hectares 1/2 sur le boulevard Malesherbes. Si de la place Saint-Augustin au boulevard de Courcelles le moindre emplacement était libre, combien vaudrait-il aujourd’hui ? Quant à la rue de Rivoli et au boulevard des Capucines, la valeur du terrain a certainement triplé.

Le prix de la construction a suivi une progression semblable. La préfecture de la Seine détermine chaque année le tarif des prix qui doivent être appliqués dans le règlement de tous les travaux : c’est ce qu’on appelle la série des prix de la ville ; or elle a été élevée trois fois depuis quelques années et dépasse de plus de 50 pour 100 le tarif antérieur à 1870. Il a fallu à cet égard suivre l’augmentation du prix des matériaux de construction et surtout le renchérissement de la main-d’œuvre. Tous les corps de métier ont obtenu, soit par un accommodement amiable, soit par le moyen infaillible des grèves, une augmentation de salaires portés à un grand tiers en sus. La grève des ouvriers charpentiers, qui tiennent le premier rang parmi les corps de métiers, va peut-être encore fournir un bien regrettable exemple de ces aspirations irrésistibles à une hausse sans cesse croissante du prix des journées. Comme les grèves éclatent toujours pendant que les constructions sont en cours et que les entrepreneurs ne peuvent, en vertu d’une jurisprudence constante, les invoquer à titre de cas de force majeure pour justifier un retard dans l’exécution ou en faire un article de dépense imprévue, force leur est la plupart du temps de se soumettre et de subir les exigences des ouvriers.

Sans traiter incidemment la question de la hausse des salaires, intimement liée à la hausse du prix des objets de consommation, il suffit de la mentionner, ainsi que le renchérissement des matériaux de construction, pour justifier l’accroissement de dépenses que nécessitent les nouvelles propriétés bâties. A Paris, le mètre construit ne saurait descendre au-dessous de 1,200 francs pour des maisons d’habitation relativement modestes ; quant aux autres, il atteint de 1,500 à 1,800 francs. Pas n’est besoin qu’un immeuble