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s’est élevé à 16 ; aujourd’hui, en 1881, il atteint le chiffre de 58 sociétés françaises, auxquelles il faut en ajouter 13 qui, sous des noms étrangers, n’emploient que notre propre capital. Pour toutes celles qui se négocient sur le marché libre, il serait difficile d’en relever la quantité ; on peut se renseigner à ce sujet dans les journaux financiers, dont le nombre croît tous les jours, et à côté desquels et par lesquels se fonde invariablement une maison de commissions et de courtages.

Enfin, outre les sociétés par actions cotées ou non sur le marché officiel et le marché libre de Paris, qui s’occupent de dépôts, de reports, d’opérations au comptant ou à terme, on doit mentionner les créations semblables récemment faites dans les plus grandes villes de province, dont les bourses locales cotent les cours. Que si l’on veut aller jusqu’aux extrémités du monde de la spéculation, il faut même ne pas oublier la corporation des changeurs, qui pullule partout, quelquefois même au grand préjudice de ses cliens.

Nous avons à diverses reprises exposé l’organisation de plusieurs des établissemens financiers grâce auxquels les moyens de crédit ont été de plus en plus mis à la disposition du public, par l’usage des chèques, des bons à vue ou à terme, des comptes-courans, etc. Au nombre de leurs opérations, ils comprennent tous l’achat et la vente des valeurs de Bourse : en comparant leurs comptes-rendus actuels avec ceux d’il y a quelques années, on verrait les progrès obtenus. Nous ne voulons désigner nominalement aucune de ces sociétés, mais, dans l’une des plus importantes, là où les opérations de Bourse au comptant se chiffraient par une somme de 9 millions chaque semaine, il faudrait aujourd’hui en inscrire plus de 25, soit près d’un milliard et demi de francs par année pour l’achat et la vente de titres. Sans pousser plus loin cette comparaison, il suffit de faire appel à l’expérience de chacun pour mettre hors de contestation le progrès incessant de la richesse mobilière en France, attesté par l’accroissement parallèle des titres qui la représentent.

Faut-il se féliciter sans réserve de ce changement de mœurs ? Une telle question soulèverait bien des controverses. La possession individuelle du sol entraîne avec elle de telles conséquences morales et politiques qu’on la regarde comme la base la plus solide des sociétés humaines, et il n’y aurait intérêt à en reprendre la défense que si, dans la situation actuelle, un péril sérieux semblait la menacer. Mais il n’en est pas ainsi, fort heureusement, et si les avantages de la propriété mobilière frappent davantage les yeux, c’est qu’ils sont plus nouveaux et qu’ils ouvrent de plus larges perspectives à l’amour assurément permis du bien-être.

La propriété mobilière, on ne saurait assez le redire, est née des. découvertes de la science moderne et d’un effort de l’industrie