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MŒURS FINANCIERES
DE LA FRANCE

LES NOUVELLES SOCIÉTÉS FONCIÈRES.

De tous les changemens qui se sont opérés dans les mœurs financières de notre pays, le plus grand, le plus inattendu à coup sûr, est, non pas peut-être encore l’indifférence, mais au moins le refroidissement de la passion publique pour la possession de la terre. Il est permis d’affirmer, sans qu’il soit besoin d’accumuler les preuves historiques ou les exposés statistiques, que pendant plusieurs siècles, le désir de participer à la propriété territoriale n’a cessé d’enfanter tous les mouvemens politiques et les crises sociales qui, du gouvernement féodal à la forme démocratique actuelle, ont successivement modifié notre régime intérieur. Or, dans ces dernières années, il est non moins évident que le torrent n’a plus la même rapidité et que le morcellement du sol, conséquence inévitable de nos lois de succession, n’est plus poursuivi avec la même furie. Si, par exemple, le produit des droits perçus pour les mutations de propriété devient tel que, par leur fréquence, il fait presque absorber en renouvellemens périodiques la valeur totale de la propriété individuelle par la communauté ou l’état, — cette revendication extrême du socialisme, — ce n’est point à la volonté persévérante d’acquérir à tout prix une parcelle de la terre où vivent ses habitans qu’on est en droit de l’attribuer, mais au partage des héritages spécialement.

Certes, nous sommes loin de prétendre que, dans beaucoup