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différentes dont un tout peut déterminer l’existence, ou plutôt le mouvement et l’ordre de ses parties : l’une est la simple voie des causes efficientes, l’autre est celle des causes finales. Dans le premier cas, il y a seulement action et réaction mutuelles de toutes les parties, comme dans un mécanisme ; il y a par conséquent déterminisme universel, et qui dit déterminisme universel dit bien détermination de chaque chose par la totalité des autres, conséquemment systématisation, ordre inflexible. Dans le second cas, au contraire, ce n’est plus vraiment le tout, mais l’idée du tout qui détermine l’existence des parties et des phénomènes particuliers. Or, si on relit le passage de M. Lachelier que nous venons de citer, on y verra la seconde formule, qui implique finalité, se substituer sans aucune démonstration à la première, qui implique seulement causalité ; raisonner de cette manière et conclure de la réciprocité d’action mécanique dans le tout à l’action intellectuelle de l’idée du tout, c’est évidemment supposer ce qui est en question[1]. La causalité universelle suffit à produire la réciprocité universelle des parties dans le tout, la détermination de chaque partie par toutes les autres, sans que l’idée du tout ait besoin d’être posée en principe. L’unité dans la variété, l’ordre dans la grandeur, avec l’harmonie qui en dérive et qui est le premier caractère du beau, tout cela peut donc s’expliquer par le principe même du déterminisme universel, si bien mis en lumière par M. Lachelier dans la première partie de son livre. Tout phénomène a sa raison dans des lois, les lois moins générales dans des lois plus générales, et ainsi de suite jusqu’à l’unité ; d’où il suit que tout se tient et se détermine réciproquement dans l’univers. Les choses particulières ne sont donc que des complications de lois simples et d’élémens simples. Donc la logique et le mécanisme suffisent à produire non pas seulement des séries isolées, mais des systèmes liés de mouvemens.

— Mais, ajoute M. Lachelier (et c’est là son second argument), ce qui est merveilleux dans la nature n’est pas seulement l’existence des systèmes de mouvemens, c’est surtout la stabilité de ces systèmes, qui ramène toujours des mêmes combinaisons de mouvemens ; le même, l’identique, le semblable, conséquemment le régulier, voilà ce qui exige des causes finales. Le principe du déterminisme et du mécanisme, à lui seul, nous apprend bien que les mêmes phénomènes se reproduiront si les mêmes conditions se reproduisent ; mais, quand nous induisons, nous allons plus loin : nous comptons qu’en fait les mêmes conditions se trouveront réalisées. En d’autres termes, nous affirmons la stabilité de l’ordre dans la nature ; et nous affirmons non pas seulement la constance des moyens mécaniques qui ont

  1. Du Fondement de l’induction, p. 16.