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tous les gouvernemens, sous la république aussi bien que sous la monarchie. Ils croient se déguiser a eux-mêmes l’irrémédiable impuissance de leur tentative, en disant qu’ils ont le pouvoir pour accomplir des réformes républicaines, démocratiques, — et quelles sont-elles ces réformes par lesquelles doit se signaler le prochain gouvernement ? Premier article du programme : M. Gambetta l’a dit à Tours, il l’a dit à l’Elysée-Montmartre, il faut la révision ; il n’y a plus moyen désormais de se dispenser de la révision. Voilà donc, comme première promesse de stabilité et comme premier gage de tempérance dans le gouvernement, la constitution elle-même mise en doute ! Il se peut que dans le fond M. Gambetta n’ait d’autre idée que de faire inscrire le scrutin de liste dans la constitution : c’est son vœu particulier et peut-être son projet. Il se peut aussi qu’on ne s’en tienne pas là, et le Sénat est déjà en cause. Le sénat est menacé, sinon d’être tout à fait supprimé, du moins d’être modifié dans un des élémens essentiels de son existence, d’être réduit dans ses attributions, et lorsqu’il sera suffisamment corrigé et diminué, ce qu’il y aura de plus simple sera d’en demander la suppression définitive. Qu’a donc fait le sénat ? Il a voté dans sa liberté, à ce qu’il paraît, contre certaines mesures législatives, pour certains ordres du jour suspects : dès qu’il en est ainsi, dès que l’assemblée du Luxembourg a pu se croire indépendante à l’abri de la constitution, la révision est évidemment légitime, nécessaire, — et c’est ce qu’on appelle faire du gouvernement ! Autre article du programme : certes il y a une œuvre immense à, reprendre dans les affaires de la guerre, et pour adapter l’organisation aux nécessités diverses qui peuvent s’imposer à la France, et pour fortifier les cadres, et pour réveiller dans tous les rangs l’esprit militaire à demi découragé, et pour faire revivre dans l’administration supérieure de l’armée ce que nous appellerons le sentiment de la loi. Il faut bien savoir, en effet, que de toutes les lois qui ont été votées depuis près de dix ans, il n’en est peut-être pas une qui soit fidèlement exécutée, ni la loi du recrutement, ni la loi des cadres, ni la loi sur les effectifs, et les conditions budgétaires, on vient de le voir dans l’expédition de Tunisie, ne sont pas plus respectées que les autres lois. Il y a donc beaucoup à faire. A quelles réformes s’attache-t-on cependant ? Il s’agit dans les programmes de réduire la durée du service militaire, d’enrôler les séminaristes, de supprimer le volontariat, qui n’est peut-être défectueux que parce qu’il a été mal appliqué. Le résultat ne peut être que d’affaiblir encore le nerf militaire, d’ajouter à une confusion déjà trop douloureuse sans remédier au véritable mal, — et voilà un autre moyen de faire du gouvernement ! Quoi donc encore ! Il y a la réforme de la magistrature par la suppression de l’inamovibilité, qui est toujours dans le programme, bien entendu, et il y aussi plus que jamais la guerre au cléricalisme : c’est là un puissant dérivatif. Dès qu’on est