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Cependant cette vieille pièce nous a charmés l’autre soir et justement, si je ne me trompe, par les mérites dont je parle. M. Thiron, dans Sganarelle, est délicieux de comique ; mais il semble, à relire le rôle, qu’on n’y puisse être autrement. Cette fin de soirée nous a ranimés, après les débuts assez froids, dans le personnage de Britannicus, d’un jeune tragédien, M. Garnier, qui sort du Conservatoire et n’a profité que raisonnablement des leçons de M. Régnier. Mais après Beaumarchais voilà que je cite Molière ; et je m’aperçois que c’est à propos de Bayard et de Dumanoir. Fuyons vite le reproche d’écraser sous de si grands noms des contemporains qui ne prétendent qu’à de moindres honneurs. Je ne citerai aucun des maîtres du badinage égrillard pour opprimer par son souvenir M. Bertrand Millanvoye, l’auteur du Dîner de Pierrot, représenté à l’Odéon. Le piment de ce hors-d’œuvre, agréablement servi par M. Porel et par Mlle Chartier, n’est pas pour offenser le palais du public, après qu’il a goûté plus de trois cents fois le dernier acte de Divorçons. D’ailleurs M. Millanvoye tourne le vers avec esprit, et son style n’est pas leste seulement au mauvais sens du mot. L’auteur de Marie Touchet, le petit drame rimé qui accompagne le Duel de Pierrot sur l’affiche, est, paraît-il, jeune et poète : je ne voudrais pas le contrister. Je ne dirai rien de sa pièce, à peine un mot de sa préface : car Marie Touchet a sa préface comme Hernani et Cromwell. M. Rivet nous apprend qu’il accepte pour devise cette parole de M. Yacquerie : « Défigurez, mais transfigurez ! » Il voulait transfigurer Charles IX et sa maîtresse ; l’intention vaut qu’on lui pardonne de les avoir défigurés. Aussi bien je dois le ménager par gratitude spéciale : il m’a donné l’idée de relire, en rentrant chez moi, la Saint-Barthélémy de M. Charles de Rémusat.


Louis GANDERAX.