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fort à cœur au pape, il composa un panorama dont l’exactitude remplit d’admiration Rome entière. On y voyait, tente par tente, le camp des assiégeans ; on reconnaissait jusqu’aux différens corps de troupes. Sixte entendit parler de ce chef-d’œuvre et ordonna qu’on le lui apportât. Honneur périlleux pour le pauvre artiste ! Plus clairvoyant ou plus irascible que les autres, le souverain pontife remarqua un détail quelque peu libre qui leur avait échappé ou dont ils n’avaient fait que rire ; il crut y découvrir un trait dirige contre son neveu, le comte Hieronimo Riario, et sa colère fut sans bornes. Ordre d’arrêter le coupable, de lui administrer dix coups de corde, de mettre à sac sa maison et finalement de le pendre. Sur les remontrances de son entourage, il consentit à lui faire grâce de la vie, mais à condition qu’il sortirait, dans le délai de quatre jours, des terres de l’église.


IV

Une famille nombreuse et brillante assistait Sixte dans sa grande œuvre de réorganisation et de propagande. Étant donnée l’organisation de l’état pontifical, le népotisme, — du moins renfermé dans de certaines limites, — constituait un véritable moyen de gouvernement. La politique même conseillait de réserver aux parens du souverain pontife le rôle brillant et facile de dispensateurs de ses largesses, de surintendans de ses bâtimens, d’organisateurs des réjouissances publiques. A eux de conquérir au pape régnant, par leur magnificence, les sympathies populaires. Dépassaient-ils la mesure dans ces fonctions d’un caractère essentiellement laïque, — et cela leur arriva plus d’une fois, — le peuple romain, directement intéressé à leurs prodigalités, se gardait bien de protester, et dans tous les cas la dignité du chef de la chrétienté n’en recevait nulle atteinte. Leur clientèle augmentait en raison de la richesse des palais qu’ils élevaient, en raison de l’éclat de leurs fêtes. Vis-à-vis des provinces de cet empire sans limites, les parens du pape avaient à remplir une mission analogue. La plupart d’entre eux possédaient de nombreux bénéfices, non-seulement en Italie, mais encore en Espagne, en France, en Allemagne ; parfois même ils étaient titulaires d’évêchés ou d’archevêchés qui ne reçurent jamais leur visite (un des neveux de Sixte IV administrait jusqu’à seize diocèses).. Pouvaient-ils se dispenser de donner quelque marque d’intérêt à des ouailles qui acceptaient si facilement leur lointain patronage, et cet intérêt, pouvaient-ils le témoigner mieux que par la fondation de monumens destinés à perpétuer le souvenir de leur munificence ? C’est ainsi