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Si nous en jugeons par le concours prêté aux typographes de Rome par les bibliothécaires de la Vaticane, G.-À. de Bussi, évêque d’Aleria, et après lui Platina, Sixte IV n’a pas dû exclure de sa bibliothèque, d’une manière systématique, les productions de la typographie. Cet art, introduit dans la Ville éternelle vers 1465 par trois Allemands, Conrad Schweinheim, Arnold Pannartz et Ulrick Hahn, y avait pris un rapide développement. Dans l’espace de peu d’années, on avait vu se succéder les principaux ouvrages de Cicéron, de saint Augustin, de saint Jérôme, de saint Cyprien, de saint Léon le Grand, de saint Thomas d’Aquin, de César, de Tite-Live, de Virgile, d’Ovide, de Lucain, de Silius Italicus, de Pline l’Ancien, de Quintilien, de Suétone, d’Aulu-Gelle, de Strabon, de Bessarion (la Défense de Platon), de Denys d’Halicarnasse, la Bible, etc. Ce mélange de noms appartenant les uns à l’antiquité sacrée, d’autres à l’antiquité profane, d’autres encore au XVe siècle, montre quelle était dans le monde romain la variété des goûts, la multiplicité des études. Cependant, là comme dans la bibliothèque du Vatican, l’élément théologique l’emportait visiblement : tandis que les éditions d’auteurs classiques étaient tirées en moyenne à deux cent soixante-quinze exemplaires, au maximum à cinq cent cinquante, le tirage s’élevait pour la Cité de Dieu à huit cent vingt-cinq, pour les Épîtres de saint Jérôme même à onze cents exemplaires. Ces détails nous sont fournis par la supplique très curieuse que les imprimeurs adressèrent à Sixte peu de temps après son avènement. Ils y exposent leur pénurie, montrent leur maison ployant sous le poids des volumes, mais dépourvue des choses les plus nécessaires à la vie, et sollicitent des subsides que le pape ne semble pas s’être empressé de leur accorder. Sixte n’en bénéficia pas moins d’une entreprise qui contribua beaucoup à illustrer son règne : en 1474, paraissait à Rome, par les soins du poète romain Nicolas Valle, la première traduction d’Homère. Les poésies de Pétrarque, l’Italia illustrata et la Roma instaurata de Flavio Biondo, virent également le jour vers cette époque[1].

Grâce à des savans de la valeur de Philelphe, de Pomponius Lætus, de Platina, auxquels il faut ajouter, pour l’époque qui nous occupe, les historiens Gaspard de Vérone, Mathieu Palmieri, de Pise, le philosophe Domitien Calderini, les poètes Porcellio, de Naples, Aurèle Brandolini, de Florence le mathématicien Lucas Pacioli, auquel sa liaison avec Léonard de Vinci a valu l’immortalité, Rome devint rapidement un des principaux foyers intellectuels de l’Europe. C’est de son université que sortirent Aide Manuce, un des

  1. Voyez au sujet de ces éditions romaines du XVe siècle la Storia della città di Roma de M. Gregorovius, t.VII, p. 617 et suiv.