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assistèrent à la cérémonie. Tous les ambassadeurs étrangers tinrent à honneur d’accompagner à sa demeure dernière ce Romain digne de l’ancienne Rome.

Avec Platina, le bibliothécaire de Sixte IV, nous abordons un autre ordre d’idées. C’était, comme Pomponius, un humaniste élevé dans la plus pure tradition de la renaissance : la volonté de son protecteur fit de lui le biographe des papes. Singulière tâche pour un savant, ne vivant en esprit qu’avec les Grecs et les Romains, que d’être forcé de descendre à l’étude de l’histoire ecclésiastique, de consacrer sa plume à la glorification d’un Siricius, d’un Hormisdas, d’un Theophilactus et autres personnages au nom peu euphonique ! Cette obligation a cependant produit un résultat intéressant. Platina a pris son rôle au sérieux, et il a su donner à son recueil la fermeté et la précision qui font trop souvent défaut dans les écrits si déclamatoires des humanistes de profession. Il a non moins heureusement évité un autre écueil : l’introduction de réminiscences païennes dans un sujet essentiellement chrétien. Sachons-lui gré de cette preuve de tact ; il se distingue par là de plus d’un prélat célèbre, par exemple d’Æneas Sylvius Piccolomini, qui, déjà évêque de Sienne, s’oubliait jusqu’à montrer « les élus buvant le nectar dans l’Olympe, » ou du cardinal Bessarion, qui félicitait Gémiste Pléthon « de s’être envolé vers les cieux dans un séjour d’innocence où il pouvait danser, en compagnie des esprits célestes, la mystique danse de Bacchus. » Quoique les Vies des papes se lisent aujourd’hui encore avec fruit et agrément, Platina s’est conquis des droits bien plus sérieux à la reconnaissance de la postérité par des travaux d’un ordre purement administratif. Il eut l’honneur de présider à l’une des entreprises les plus propres à illustrer le règne de son protecteur, la réorganisation de la bibliothèque du Vatican. Le lecteur nous saura gré de lui donner quelques détails, jusqu’ici inconnus, sur cette œuvre si considérable.

La bibliothèque de Sixte IV était avant tout, les inventaires rédigés par Platina en font foi, une bibliothèque ecclésiastique. La théologie, la philosophie, et la littérature patristiques y occupent la place d’honneur. Sur un ensemble de 2,546 volumes, on ramarque 26 volumes de saint Jean Chrysostome, 28 de saint Ambroise, 27 de Guillaume Durand, 31 de saint Grégoire, 41 de droit canon, 51 de conciles, 51 de saint Thomas, 57 de saint Jérôme, 57 de l’Ancien et du Nouveau Testament, 81 de saint Augustin, 98 de gloses sur la Bible, 190 d’écrivains grecs célèbres et 116 d’écrivains grecs obscurs ayant traité de matières religieuses. Les classiques ne viennent qu’en second lieu : je signalerai parmi eux 14 volumes des œuvres de Sénèque. La poésie latine est représentée par 53 volumes ; la