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pontificat de quatre ans, Philelphe, comme un autre Démosthène, poussa des cris d’allégresse et remercia publiquement le ciel d’avoir délivré la chrétienté d’un tyran si odieux. L’indignation fut grande à la cour de Rome. Le collège des cardinaux écrivit au duc de Milan pour réclamer un châtiment exemplaire, et l’humaniste fut conduit en prison comme un vulgaire malfaiteur.

Averti par l’exemple de son prédécesseur, Paul II se garda bien de s’aliéner un si fougueux satirique. Mais il ne commit pas la faute de l’appeler à Rome, sachant à combien d’ennuis l’exposerait sa présence. Philelphe cependant avait toutes sortes de raisons pour souhaiter un changement de position. Les Sforza avaient succédé aux Visconti, et ils lui faisaient attendre ses appointemens pendant des années entières. A un moment donné, il se vit réduit à mettre en gage ses habits à la banque des Médicis. Aussi salua-t-il avec enthousiasme la nouvelle de l’avènement de Sixte IV. A peine couronné, celui-ci reçut, outre une longue épître, deux élégies de cinquante vers chacune, l’une en grec, l’autre en latin, dans lesquelles Philelphe l’exhortait à la croisade contre les Turcs. Le pape semble avoir été sensible à ces témoignages de sympathie ; il répondit par un bref rédigé dans les termes les plus flatteurs et exprima le désir de voir Philelphe se fixer auprès de lui. Ce n’était peut-être là qu’une simple formule de politesse ; mais Philelphe avait tout intérêt à prendre l’invitation au sérieux. A partir de ce moment, il n’y eut plus de prélat influent qu’il n’assiégeât de ses sollicitations.

Le pape, cependant, était absorbé par de plus graves soucis, et les négociations traînèrent en longueur. Plusieurs fois, découragé, l’humaniste se tourna vers d’autres villes. Oubliant que dans sa jeunesse il avait prodigué les injures les plus odieuses à Cosme de Médicis, il pria humblement son petit-fils, Laurent le Magnifique, de lui procurer une chaire à l’université de Pise. Ici encore ses démarches restèrent sans résultat. En désespoir de cause, il résolut, pour triompher de l’indifférence du pape, d’employer une tactique qui lui avait plus d’une fois réussi : l’adulation ayant été impuissante, il recourt d’abord aux plaintes, puis aux insinuations, enfin aux menaces. Rien de plus curieux que cette gradation ; on peut la suivre dans les lettres adressées aux différens protecteurs que l’humaniste comptait à la cour pontificale. Au mois de septembre 1/473, il écrit au cardinal Ammanati : « J’espérais que le sort des savans s’améliorerait sous Sixte IV, homme versé dans l’étude de la philosophie, et qui possède les connaissances les plus distinguées. Ce n’est pas en effet de ceux qui n’ont ni science, ni talent qu’il faut attendre quelque chose. Mais nous en sommes réduits, je le vois bien, à souhaiter que Paul II ressuscite ; avec lui il n’était