Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prédécesseurs, grâce aussi à l’attraction exercée par la Ville éternelle sur tant d’esprits amoureux de l’antiquité, la colonie d’érudits groupés autour de la papauté comptait un grand nombre de personnages éminens. Il fallait avant tout la compléter, l’organiser ; Siste n’y manqua pas. Trois Grecs célèbres représentaient la littérature et la philosophie helléniques : le cardinal Bessarion, qui mourut d’ailleurs bientôt après ; Théodoro Gaza, de Salonique, et George de Trébizonde. Une chaire ne tarda pas à être offerte à un de leurs compatriotes, Jean Argyropoulos, de Constantinople. C’était une victoire remportée sur les Médicis, au service desquels Argyropoulos avait été longtemps attaché. Le nouveau venu obtint un vif succès ; il eut la gloire de compter parmi ses élèves un des plus célèbres humanistes de l’Allemagne, Jean Reuchlin, qui longtemps après parlait encore avec respect des conférences d’Argyropoulos sur Thucydide. Un littérateur florentin de mérite, Barthélémy Fontius, obtint également une chaire à l’université de Rome. Mais Sixte avait des visées plus hautes ; il rêvait la conquête du prince de la philosophie neo-platonicienne du savant illustre dont les écrits jetaient alors un éclat incomparable sur Florence. C’eût été du coup ériger Rome en capitale intellectuelle de l’Italie. De nombreux cardinaux appuyèrent ses démarches ; elles restèrent sans résultat. Marsile Ficin avait trop d’obligations aux Médicis pour se séparer d’eux. Mais il tint à montrer, en cette occasion, qu’on pouvait être à la fois philosophe profond et plat courtisan. On se demande, en lisant sa réponse, qui des deux est le plus digne de pitié, de l’écrivain qui pousse si loin l’adulation ou du mécène qui accepte des éloges si outrés. Nous traduisons aussi littéralement que possible les effusions lyriques du néo-platonicien florentin : « Tous les peuples de la chrétienté s’écrièrent : Quel est donc celui auquel les élémens obéissent si facilement, devant lequel des astres s’inclinent. C’est certainement le vicaire légitime du Christ très clément, qui, en possession des clés de son maître, vient, à l’époque fixée, de fermer les portes des temples de Janus et de Pluton. Sixte, ce sublime phénix de la théologie, maître souverain de la forteresse élevée par Pallas, y rend des oracles divins. Chantons un cantique nouveau en l’honneur de Sixte. »

L’enseignement donné par Philelphe, le plus célèbre des humanistes appelés par Sixte à son université, ne fut pas aussi fécond que l’aurait été celui d’un Marsile Ficin, mais il jeta pour le moins autant d’éclat. A la fois poète et philologue, historien et philosophe, maniant avec une égale facilité le grec et le latin. François Philelphe savait, pendant un demi-siècle, étonné l’Italie par la variété de ses connaissances, par l’élégance de son style, mais aussi par une