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Par son origine première, le christianisme était aussi contraire aux développemens des arts plastiques que l’a été l’islam. Si le christianisme fût resté juif, l’architecture seule s’y fût développée, ainsi que cela est arrivé chez les musulmans ; l’église eût été, comme la mosquée, une grandiose maison de prière, voilà tout. Mais les religions sont ce que les font les races qui les adoptent. Transporté chez des peuples amis de l’art, le christianisme devint une religion aussi artistique qu’il l’eût été peu s’il fût resté entre les mains des judéo-chrétiens. Aussi sont-ce des hérétiques qui fondent l’art chrétien. Les gnostiques entrèrent dans cette voie avec une audace qui scandalisa les vrais croyans. Il était trop tôt encore ; tout ce qui rappelait l’idolâtrie était suspect. Les peintres qui se convertissaient étaient mal vus comme ayant servi à détourner vers de creuses figures les hommages dus au Créateur. Les images de Dieu et du Christ, j’entends les images isolées qui eussent pu sembler des idoles, excitaient l’appréhension, et les carpocratiens, qui avaient des bustes de Jésus et leur adressaient des honneurs païens, étaient tenus pour des mécréans. On observait à la lettre, au moins dans les églises, les préceptes mosaïques contre les représentations figurées. L’idée de la laideur de Jésus, subversive d’un art chrétien, était généralement répandue. Il y avait des portraits peints de Jésus, de saint Pierre, de saint Paul ; mais on voyait à cet usage des inconvéniens. Le fait de la statue de l’hémorroïsse paraît à Eusèbe avoir besoin d’excuse ; cette excuse, c’est que la femme qui témoigna ainsi sa reconnaissance au Christ agit par un reste d’habitude païenne et par une confusion d’idées pardonnable. Ailleurs Eusèbe repousse comme tout à fait profane le désir d’avoir des portraits de Jésus.

Les arcosolia des tombeaux appelaient quelques peintures. On les fit d’abord purement décoratives, dénuées de toute signification religieuse : vignes, rinceaux de feuillage, vases, fruits, oiseaux. Puis on y mêla des symboles chrétiens ; puis on y peignit quelques scènes simples empruntées à la Bible et auxquelles on trouvait une saveur toute particulière en l’état de persécution où l’on était : Jonas sous sa cucurbite ou Daniel dans la fosse aux lions, Noé et sa colombe, Psyché, Moïse tirant l’eau du rocher, Orphée charmant les bêtes avec sa lyre, et surtout le Bon Pasteur, où l’on n’avait guère qu’à copier un des types les plus répandus de l’art païen. Les sujets historiques de l’Ancien et du Nouveau-Testament n’apparaissent qu’à des époques plus récentes. La table, les pains sacrés, les poissons mystiques, des scènes de pêche, le symbolisme de la cène sont, au contraire, représentés dès le IIIe siècle.

Toute cette petite peinture d’ornement, exclue encore des