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sépulture pendant tout le IIIe, le IVe et une partie du Ve siècle, l’ensemble des catacombes des environs de Rome est, pour sa presque totalité, un travail chrétien. Des nécessités analogues à celles qui firent creuser autour de Rome ces vastes hypogées en produisirent également à Naples, à Milan, à Syracuse et à Alexandrie.

Dès les premières années du IIIe siècle, nous voyons le pape Zéphyrin confier à son diacre Calliste le soin de ces grands dépôts mortuaires. C’est ce qu’on appelait des cimetières ou « dortoirs ; » car on se figurait que les morts y dormaient en attendant le jour de la résurrection. Plusieurs martyrs y furent enterrés. Dès lors, le respect qui s’attachait aux corps des martyrs s’appliqua aux lieux mêmes où ils étaient déposés. Les catacombes furent bientôt des lieux saints. L’organisation du service des sépultures est complète sous Alexandre Sévère. Vers le temps de Fabien et de Corneille, ce service est une des préoccupations de la piété romaine. Une femme dévouée nommée Lutine dépense autour des tombes saintes sa fortune et son activité. Reposer auprès des martyrs, ad sanctos, ad martyres, fut une faveur. On vint annuellement célébrer les mystères sur ces tombeaux sacrés. De là des cubicula ou chambres sépulcrales, qui, agrandies, devinrent des églises souterraines où l’on se réunit en temps de persécution. Au dehors, on ajouta quelquefois des scholœ, servant de triclinium pour les agapes. Des assemblées dans de telles conditions avaient l’avantage qu’on pouvait les prendre pour funéraires, ce qui les mettait sous la protection des lois. Le cimetière, qu’il fût souterrain ou en plein air, devint ainsi un lieu essentiellement ecclésiastique. Le fossor, en quelques églises, fut un clerc de second ordre, comme l’anagnoste et le portier. L’autorité romaine, qui portait dans les questions de sépulture une grande tolérance, intervenait très rarement en ces souterrains : elle admettait, sauf aux momens de fureur persécutrice, que la propriété des areœ consacrés appartenait à la communauté, c’est-à-dire à l’évêque. L’entrée des cimetières était du reste presque toujours masquée à l’extérieur par quelque sépulture de famille, dont le droit était hors de contestation.

Ainsi le principe des sépultures par confrérie l’emporta tout à fait au IIIe siècle. Chaque secte se bâtit son couloir souterrain et s’y enferma. La séparation des morts devint de droit commun. On fut classé par religion dans le tombeau ; demeurer après sa mort avec ses confrères devint un besoin. Jusque-là la sépulture avait été une affaire individuelle ou de famille ; maintenant elle devient une affaire religieuse, collective ; elle suppose une communauté d’opinions sur les choses divines. Ce n’est pas une des moindres difficultés que le christianisme léguera à l’avenir.